
À Woippy, une salle de musique adaptée aux enfants en situation de handicap leur permet de découvrir les sons et les mélodies de manière ludique, grâce à des dispositifs sensoriels et interactifs. Une approche novatrice qui allie pédagogie et éveil musical.
Dans "l'igloo", un filet transparent équipé de capteurs, Simon et Émile lancent des balles en chiffon. Lorsqu'elles atteignent la cible en forme de violon, un air de musique classique résonne. Bienvenue à l'atelier musique et handicap.
Cette salle de musique pas comme les autres a été créée à Woippy, près de Metz, dans l'est de la France, pour les enfants en situation de handicap, qu'il soit physique ou mental. Ils y explorent, de manière ludique, le solfège, le son des instruments et les œuvres de Vivaldi, Beethoven ou Bach.
Les porteurs du projet affirment qu'il n'existe pas d'équivalent en France, voire en Europe, à ces ateliers qui, durant deux heures, permettent aux enfants d'apprendre en s'amusant.
Émile, 10 ans, suit ces ateliers depuis trois ans. Lors de cette séance, il a préféré "la balançoire". Colorée, décorée en chenille et customisée, elle semble être un simple jeu. Pourtant, lorsque le siège touche le sol, un capteur active une mélodie jouée par divers instruments : cuivres, clarinette, violon...
Il reconnaît parfaitement les notes jouées par son professeur sur un clavier numérique et sait les chanter, y compris dans les aigus. En parallèle, il apprend les percussions au conservatoire.
Tous les enfants en situation de handicap ne pourront pas forcément jouer d'un instrument à long terme, mais les séances encadrées par Philippe Forte-Rytter, musicothérapeute depuis près de trente ans, leur permettent de découvrir et de s'éveiller à la musique.
Un apprentissage concret
Le professeur à la barbiche blanche a troqué les feuilles et stylos contre de grands portants métalliques où les enfants accrochent des notes en carton, formant des portées colorées. "Cela démystifie le solfège, qui peut sembler encore inaccessible" à certains, explique-t-il.
Pour concevoir cette salle, le musicothérapeute s'est inspiré du travail des psychomotriciens. "La configuration classique chaise-table n'est pas adaptée à ce public. Ici, tout devient concret", souligne-t-il.
Avec ces enfants, il a fallu "amplifier les petits gestes, les expressions vocales", ajoute-t-il. Il a ainsi détourné des jouets pour y ajouter des sons, intégré des jeux de lumière pour créer des bulles musicales et colorées, et conçu des outils sensoriels facilitant l'apprentissage.
En 1996, lorsqu'il a débuté en tant que musicothérapeute, "la musique était surtout considérée comme un loisir". Aujourd'hui, grâce aux avancées technologiques et à ses compétences en électroacoustique, il a pu développer ces outils novateurs.
Un voyage musical
Philippe Forte-Rytter souhaite offrir aux enfants la possibilité de "voyager dans l’univers musical, sans contrainte particulière", si ce n'est celle d'adopter un "comportement de musicien" et de respecter certaines règles.
Simon, 8 ans, participe aux ateliers depuis septembre. Chez lui, après chaque séance, il s'amuse à brancher des câbles et des instruments, raconte son père, Nicolas Aubertin, 49 ans. "L’atelier lui permet d’accomplir plein de choses qu’il ne pourrait pas faire autrement", estime-t-il. "Je pense que ça lui fait du bien."
"On sait aujourd’hui qu’un enfant qui suit des études musicales, qui fréquente un conservatoire, est généralement bon élève", ajoute Patrick Thil, chargé de la culture à la mairie de Metz.
La musique contribue "non seulement au développement des capacités musicales, mais aussi au renforcement des compétences en français, en mathématiques, en mémoire et en langues", souligne Philippe Forte-Rytter, qui met en avant "l'effet neurologique" de cette discipline, favorisant l’apprentissage et la consolidation des acquis.
Avec AFP
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