
Israël a affirmé mardi n'avoir d'autre choix que de reprendre ses opérations militaires pour ramener les otages retenus à Gaza, après avoir mené les frappes de loin les plus violentes depuis le début de la trêve, qui ont fait plus de 400 morts selon le Hamas.
Le mouvement islamiste palestinien a accusé Israël de vouloir lui imposer un "accord de reddition" et de tenter de "torpiller" la trêve entrée en vigueur le 19 janvier, à l'heure où les négociations indirectes sur la suite du processus sont au point mort.
"Israël a accepté les propositions de l'émissaire du président américain, Steve Witkoff, pour une prolongation du cessez-le-feu, mais le Hamas les a rejetées deux fois", a affirmé le chef de la diplomatie israélienne, Gideon Saar, en assurant que son pays n'avait "pas d'autre choix que de reprendre les opérations militaires".
Pour la Maison Blanche, premier allié d'Israël, qui a été consultée avant les frappes de la nuit, le Hamas a "choisi la guerre" en refusant de libérer les otages.
M. Netanyahou avait mis en garde début mars le mouvement palestinien contre des conséquences qu'il "ne pouvait imaginer" s'il ne libérait pas les otages.
Selon des médias israéliens, il a élaboré un système de pression baptisé "plan enfer", comprenant, après le blocage de l'aide humanitaire, la coupure de l'électricité et le déplacement des habitants du nord de Gaza vers le sud, tout en n'excluant pas une reprise de la guerre si le Hamas ne cédait pas.
Avant même un ordre d'évacuation émis mardi par l'armée dans les régions frontalières d'Israël, des familles palestiniennes ont commencé à fuir depuis le nord, des sacs et des couvertures empilés sur leurs têtes.
La Défense civile de Gaza a signalé "quelques frappes aériennes isolées" durant la journée.
Des images de l'AFP ont montré des ambulances, sirènes hurlantes, transportant de nuit des blessés à l'hôpital Nasser de Khan Younès, dans le sud de Gaza.
"Les bombardements avec des avions et des chars étaient partout. "Ils ont rallumé le feu de l'enfer sur Gaza", a raconté Ramiz al-Amarin, un déplacé de 25 ans qui vit sous une tente à Gaza-ville, dans le nord. "Il y a des corps et des membres étalés sur le sol", a-t-il ajouté.
Les frappes ont fait au moins 413 morts, selon le ministère de la Santé du Hamas, "en majorité des enfants et des femmes palestiniens, et des centaines de blessés".
La reprise des frappes israéliennes "met en péril" la libération des otages, la fin des hostilités et la reprise de l'aide humanitaire, a estimé mardi la Première ministre italienne Giorgia Meloni.
"Nous suivons avec grande inquiétude le reprise des combats à Gaza", a-t-elle estimé lors d'une intervention au Sénat à Rome, après les frappes intenses dans la nuit sur la bande de Gaza, alors qu'une trêve est en vigueur depuis le 19 janvier.
Elles "mettent en péril les objectifs sur lesquels nous travaillons tous, à savoir la libération de tous les otages, une fin permanente des hostilités et la rétablissement d'une pleine aide humanitaire dans la bande" de Gaza, a-t-elle critiqué.
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, s'est dit "choqué" et a "lancé un appel pressant pour que le cessez-le-feu soit respecté".
"Une force militaire accrue"
Les frappes, décidées par Benjamin Netanyahou et son ministre de la Défense, Israël Katz, font "suite au refus répété du Hamas de libérer nos otages ainsi qu'à son rejet de toutes les propositions" des pays médiateurs, a indiqué le gouvernement.
"Israël agira dorénavant contre le Hamas avec une force militaire accrue", a-t-il prévenu.
M. Katz a averti que les combats ne cesseraient pas "tant que tous les otages ne seraient pas rentrés chez eux".
Le Hamas a affirmé mardi travailler "avec les médiateurs pour freiner l'agression d'Israël" et dénoncé le soutien "illimité" à Israël des États-Unis.
Il a accusé M. Netanyahou de vouloir "sacrifier" les derniers otages.
Sur les 251 personnes enlevées lors de l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, 58 sont encore otages à Gaza, dont 34 ont été déclarés morts par l'armée israélienne.
Cette attaque a entraîné du côté israélien la mort de 1 218 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles et incluant les otages morts ou tués en captivité.
En riposte, Israël a lancé une offensive à Gaza qui avait fait au moins 48 572 morts, majoritairement des civils, avant ces nouvelles frappes, d'après les données du ministère de la Santé du Hamas, jugées fiables par l'ONU.
Parmi les victimes figurent le chef du gouvernement du Hamas, Essam al-Dalis, et le général Abou Watfa, qui dirigeait la police et les services de sécurité intérieurs du Hamas, selon le mouvement.
En Israël, des familles d'otages ont demandé à M. Netanyahou après ces frappes, "d'arrêter de tuer" leurs proches.
Négociations au point mort
Le Hamas a appelé le Conseil de sécurité de l'ONU à se réunir en urgence. Une réunion était déjà prévue, avant les frappes, mardi à 10H00 (14H00 GMT).
La Jordanie, l'Egypte, l'Iran et l'Arabie saoudite notamment ont condamné les frappes, de même que la Russie et plusieurs pays européens.
Ces frappes pourraient "enflammer la région", a prévenu le Qatar, l'un des pays médiateurs avec les États-Unis et l'Égypte.
De "très nombreuses structures de santé" à Gaza "sont littéralement débordées" après ces nouveaux bombardements, a averti la Croix-Rouge.
Dimanche, Israël avait annoncé l'envoi de négociateurs en Égypte afin d'obtenir, selon le bureau de M. Netanyahou, "la libération immédiate de onze otages vivants et de la moitié des otages morts".
Durant la première phase de la trêve, qui a expiré le 1ᵉʳ mars, le Hamas a restitué 33 otages parmi lesquels huit morts. Israël a libéré environ 1 800 détenus palestiniens, mais les négociations sont depuis restées au point mort.
Le Hamas a réclamé de passer à la deuxième phase, qui prévoit un cessez-le-feu permanent, le retrait israélien de Gaza, la réouverture des points de passage pour l'aide et la libération des derniers otages.
Israël, pour sa part, souhaite une extension de la première phase jusqu'à la mi-avril et réclame, pour passer à la deuxième, la "démilitarisation totale" du territoire et le départ du Hamas.
Par par l'équipe de l'AFP dans la bande de Gaza, avec Marc Jourdier à Jérusalem
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