Guerre au Soudan : deux ans d'un conflit peu médiatisé aux conséquences dramatiques
©Des soldats de l’armée soudanaise patrouillent dans un quartier de Khartoum-Nord, le 3 novembre 2024. (Photo : Amaury Falt-Brown / AFP)

L’armée soudanaise annonce avoir repris le palais présidentiel à Khartoum. Mais derrière cette avancée se cache une guerre dévastatrice, qui dure depuis 2023, entre deux anciens alliés devenus ennemis. Explications.

La notion de “deux anciens alliés” fait référence au rôle que le général Abdel Fattah al-Burhan (armée) et Mohamed Hamdan Daglo, dit Hemedti (FSR) ont joué ensemble dans plusieurs événements majeurs de la transition post-Béchir. En 2019, après la chute d’Omar el-Béchir, Burhan et Hemedti forment ensemble le Conseil militaire de transition (CMT). Hemedti en était le vice-président, Al-Burhan le président. Ils avaient donc une alliance militaire de facto dans la gestion du pouvoir après Béchir.

En 2021, ceux-ci s’allient pour renverser le gouvernement civil de Abdallah Hamdok lors du coup d’État d’octobre 2021. Cette action conjointe les positionne comme partenaires dans la restauration d’un pouvoir militaire.

Ce n’est qu’à la fin de l’année 2022 et au début de l’année 2023 que des tensions croissantes émergent publiquement autour de la réforme du secteur de sécurité, notamment sur l’intégration des FSR dans l’armée régulière, ce qui provoque l’éclatement du conflit en avril 2023.

Le Soudan s’enfonce alors brutalement dans une guerre civile. Le conflit éclate entre l’armée d’Al-Burhan, et les Forces de soutien rapide (FSR) de Hemedti. Tous deux étaient auparavant les hommes forts du pouvoir militaire. Mais leurs intérêts se sont vite opposés.

L’origine du conflit? Une bataille d’influence. Officiellement, il s’agissait d’un désaccord sur l’intégration des FSR dans l’armée, mais en réalité, c’est une lutte de pouvoir à grande échelle qui a mis le feu au pays.

Les FSR ont rapidement pris le dessus à Khartoum et dans l’ouest du pays. L’armée, elle, a gardé la main sur l’est, certaines zones du centre et les frontières. Aujourd’hui, le Soudan est divisé en zones d’influence, administrées séparément, et la perspective d’une scission du pays n’a jamais paru aussi concrète.

Le palais présidentiel de Khartoum, symbole du pouvoir, était entre les mains des FSR depuis le début du conflit. L’annonce de sa reprise par l’armée, ce vendredi 21 mars 2025, marque donc un moment crucial, même si les combats se poursuivent. Des sources militaires affirment que des ministères ont également été repris, et que les paramilitaires ont reculé de plusieurs centaines de mètres.

Peu après cette opération, une frappe de drone a visé le palais, selon une autre source militaire. Elle aurait été lancée par les FSR.

Dans une vidéo diffusée par les forces armées, des soldats fêtent leur retour dans un bâtiment en ruines, vitres soufflées et murs criblés de balles. Une image forte, mais qui ne cache pas la réalité du terrain: les FSR conservent toujours une présence importante dans la capitale.

Sur le plan humanitaire, la situation est dramatique. Douze millions de personnes ont été contraintes de fuir leur foyer, des régions entières manquent de nourriture, et des maladies se propagent rapidement. L’International Rescue Committee parle de “la plus grande crise humanitaire jamais enregistrée”.

Enfin, ce vendredi, une frappe de drone a coûté la vie à trois journalistes présents au palais. Un drame de plus, dans un pays où l’information est rare, et où ceux qui tentent de témoigner paient souvent le prix fort.

 

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