Liban – Office des chemins de fer: les locomotives à l’arrêt depuis 1996
©Ici Beyrouth

Avec un sarcasme empreint d’amertume, les Libanais évoquent l’Office des chemins de fer et des transports en commun (OCFTC), devenu le symbole du gaspillage des fonds publics. Le dernier train reliant Beyrouth à Rayak a sifflé en 1975, et celui de Beyrouth à Tripoli en 1996. Pourtant, l’institution perdure. D’abord destinés au transport de marchandises, les trains ont ensuite accueilli des passagers, mais cette activité n’a pas tardé à disparaître.

Aujourd’hui, l’OCFTC se limite essentiellement au versement des salaires d’une poignée de fonctionnaires, moins nombreux que les doigts d’une main, et nécessite un budget annuel de 13 milliards de livres libanaises, selon le bureau de recherche “Information International”. Pis encore, après la guerre civile, les gares ferroviaires libanaises sont tombées dans l’oubli. Certaines ont été reconverties: la gare de Mar Mikhaël est devenue un restaurant, celle de Tripoli un parking pour camions, et celle de Baabda un parc de vente de voitures d’occasion. Quant aux anciennes locomotives à vapeur, elles sont laissées à l’abandon, rouillées et inutilisées. Ces transformations compliquent toute tentative de réhabilitation du réseau ferroviaire.

En effet, le Liban semble désormais bien loin de récupérer le temps perdu et de redonner au transport ferroviaire une place importante dans son économie. Le pays a déjà raté plusieurs occasions, bien que les chemins de fer soient réputés pour être un moyen de transport économique, social et accessible.

 

 

Les rails sont encore là                                                                               

 Au lieu d'exploiter son infrastructure pour progresser et moderniser son réseau ferroviaire, le Liban a pris du retard et négligé ce secteur. Pourtant, le pays dispose de 403 kilomètres de voies ferrées le long de son littoral, un atout considérable pour relancer le service ferroviaire. En effet, la majeure partie de l’infrastructure nécessaire (les terrains où passent les rails) est déjà en place, ce qui pourrait réduire significativement les coûts de remise en service des trains. Autrement dit, le Liban pourrait redémarrer son réseau ferroviaire plus facilement et à moindre coût, sans avoir besoin d’acheter ou d’aménager de nouveaux terrains. 

Les corridors de l’ESCWA

En 2003, le Liban a signé l’accord des “Corridors de l’ESCWA”, qui porte sur les corridors économiques ferroviaires de la Commission économique et sociale des Nations Unies pour l’Asie occidentale (ESCWA). Parmi les signataires de cet accord, le Liban est le seul à n’avoir jusqu’à présent rien réalisé pour concrétiser cet engagement. Ce projet prévoyait la création de lignes ferroviaires reliant les ports de Beyrouth et de Tripoli au réseau ferroviaire du Machrek, dont la mise en service est prévue pour 2025. Le Liban s’est ainsi exclu de l’un des accords internationaux et régionaux les plus importants. Même la Syrie, malgré la guerre, a inauguré l’année dernière 350 km de voies ferrées dans le cadre de cet accord, reliant la côte méditerranéenne au Qalamoun oriental.

Le soutien de la Banque mondiale

La Banque mondiale soutiendrait un projet de transport urbain à Beyrouth visant à moderniser et améliorer l'efficacité du système de transport public dans la capitale. Ce projet évoque notamment la construction d’un tramway reliant Beyrouth à Tabarja, dans le but de réduire la congestion routière en offrant une alternative de transport public moderne, rapide et écologique. Le projet inclurait la création de voies dédiées au tramway, la rénovation des arrêts et l’intégration avec d’autres modes de transport pour faciliter les correspondances.

Le Liban, un pionnier

Le Liban a été l’un des premiers pays arabes à développer un réseau ferroviaire, s’étendant sur environ 408 km. La ligne Beyrouth-Damas, construite en 1895 sous l’Empire ottoman par une société française, permettait aux marchandises et aux voyageurs de circuler rapidement entre la côte et l’arrière-pays syrien. Elle a valu à Beyrouth le surnom de “Porte de l’Orient”. Cette ligne passait par Baabda, Aley, Bhamdoun, Sofar, Chtaura, avant d’atteindre Damas. Une autre ligne stratégique, la ligne côtière nord-sud, reliait Beyrouth à Tripoli et Homs, longeant la côte via Jounieh, Byblos, Batroun et Tripoli, et assurait la connexion avec le réseau ferroviaire syrien et européen via la Turquie. La troisième ligne, reliant Rayak à al-Qaa, Baalbeck et Alep, et la ligne du sud partant de Beyrouth vers Saïda, Tyr, Naqoura (et devant se prolonger jusqu’à Haïfa) faisait partie des projets de développement ferroviaire. Cependant, cette extension n’a jamais été achevée en raison des conflits régionaux.  Avant la Déclaration du Grand Liban (1941), les autorités françaises avaient également créé un tramway électrique à Beyrouth et ses banlieues, avant de relier les gares de Beyrouth et Tripoli.

 

Données essentielles

  • Le réseau ferroviaire comprend environ 48 gares, dont certaines sont de petite taille, comme celles de Baabda, de Jamhour, de Sofar et de Chtaura, tandis que d’autres sont stratégiques et de grande envergure. Parmi ces dernières figurent la gare de Mar Mikhaël et celle connue sous le nom de NBT (Naqoura-Beyrouth-Tripoli), située à l’embouchure du fleuve de Beyrouth. Cette dernière permettait de rediriger les trains en provenance du port vers la Békaa, le nord ou le sud du pays. Parmi les gares stratégiques, on note également celles de Rayak et de Tripoli. La gare de Rayak abritait autrefois des usines de fabrication de pièces détachées et des ateliers de maintenance pour les trains, en faisant une destination incontournable pour les pays arabes.

  • En 2002, la première pierre du projet de réhabilitation de la ligne ferroviaire entre le port de Tripoli et la frontière libano-syrienne a été posée. À cet effet, de nouvelles voies ferrées ont été achetées en 2004 et livrées en 2005. Elles sont stockées au port de Tripoli. Depuis lors, le projet est au point mort.

 

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