
Plus de 1 400 manifestants ont été arrêtés en Turquie depuis le début mercredi d'une vague de contestation déclenchée par l'arrestation du maire d'opposition d'Istanbul, ont annoncé mardi les autorités qui ont interdit tout rassemblement dans les trois principales villes du pays.
"1.418 suspects ont été arrêtés à ce stade lors de manifestations illégales depuis le 19 mars", a écrit sur X le ministre turc de l'Intérieur, Ali Yerlikaya.
Les autorités ont annoncé les arrestations de 43 "provocateurs" après une nouvelle nuit de rassemblements dans plusieurs villes du pays, secoué par une contestation inédite depuis le mouvement de Gezi, parti de la place Taksim d'Istanbul, en 2013.
Un juge turc a ordonné plus tard dans la journée le placement en détention provisoire d'un photographe de l'Agence France-Presse, Yasin Akgül, accusé par les autorités d'avoir participé à un rassemblement illégal, ce qu'il réfute, affirmant n'avoir fait que couvrir la manifestation en question.
L'ONG Reporters sans Frontières (RSF) a condamné une "décision scandaleuse (qui) reflète une situation gravissime en cours en Turquie".
Un procureur d'Istanbul a également demandé l'incarcération de six autres journalistes interpellés à leur domicile lundi, après avoir dans un premier temps requis leur libération sous contrôle judiciaire, selon l'avocat de l'un d'eux à l'AFP.
La tension régnait dans le tribunal stambouliote de Caglayan, selon une correspondante de l'AFP, où outre les journalistes quelque 200 personnes accusées d'avoir pris part à des rassemblements interdits par les autorités attendaient d'être fixées sur leur sort.
"La tête haute"
Face à la contestation qui se poursuit, le gouvernorat d'Ankara, la capitale, a prolongé mardi jusqu'au 1er avril inclus une interdiction de manifester. Les autorités ont pris une décision similaire à Izmir, troisième ville du pays et bastion de l'opposition, jusqu'au 29 mars.
Une même interdiction est en vigueur depuis six jours à Istanbul, où plusieurs dizaines de milliers de personnes l'ont de nouveau bravée lundi soir pour converger devant le siège de la municipalité. La police y a dispersé avec violence les manifestants aux alentours de minuit, selon un journaliste de l'AFP.
Özgür Özel, le chef du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), principale force de l'opposition à laquelle appartient le maire emprisonné d'Istanbul, a appelé à un nouveau rassemblement mardi soir.
Signe de l'onde de choc déclenchée par l'arrestation pour "corruption" de M. Imamoglu, des manifestations ont eu lieu la semaine passée dans au moins 55 des 81 provinces du pays, selon un décompte de l'AFP.
M. Özel, qui a appelé lundi soir à faire front au "fascisme", s'est rendu mardi matin à la prison de Silivri, en lisière d'Istanbul, où sont incarcérés depuis dimanche le maire de la ville et 48 co-accusés, parmi lesquels deux maires d'arrondissements également membres du CHP.
"J'ai rencontré trois lions à l'intérieur. Ils sont debout, la tête haute (...), tels des lions", a-t-il déclaré à la presse à la sortie de la prison.
Boycott
Le Conseil de l'Europe, qui doit débattre mardi de la situation en Turquie, a dénoncé un "recours disproportionné à la force" lors des manifestations dans le pays et appelé les autorités à respecter leurs obligations en matière de droits de l'homme".
Mardi après-midi à Istanbul, des étudiants commençaient à se mobiliser en plusieurs points de la ville, préparant de nouvelles pancartes en vue d'un grand rassemblement prévu à 17H00 (14H00 GMT), ont constaté des journalistes de l'AFP.
Sur l'un des campus de l'Université technique d'Istanbul (ITU), Adanil Güzel, 19 ans, a affirmé à l'AFP que des professeurs menaçaient les étudiants grévistes.
"Ils promettent de rajouter des points à ceux qui participent aux examens," a déclaré l'étudiante en économie.
Le CHP a lui appelé au boycott d'une dizaine d'enseignes turques réputées proches du pouvoir dont une célèbre chaîne de cafés: "Le café on peut le faire nous-mêmes", a lancé M. Özel.
"Cessez de troubler la paix de nos concitoyens par vos provocations", a déclaré lundi soir le président Erdogan en s'adressant à l'opposition lors d'un discours télévisé.
AFP
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