
Tous les étés depuis 25 ans, Rosalie Côté et ses parents vont dans le Maine, dans le nord-est des États-Unis. Mais pour cette famille canadienne, ces vacances-là sont maintenant de l'histoire ancienne.
Le voisin américain était, en 2024, la première destination pour les touristes canadiens, avec 20,4 millions de visites l'an passé, selon US Travel Association. Toutefois, en 2025, les chiffres devraient être bien différents, car de nombreux Canadiens annulent leur séjour au sud de la frontière, exaspérés par la politique et les attaques de Donald Trump à l'encontre de leur pays.
Dans le contexte actuel, "on ne veut pas soutenir les États-Unis. C'est une question de principe", lance l'ingénieure forestière Rosalie Côté.
Même son de cloche pour Romane Gauvreau qui a annulé son séjour de vélo de montagne au Vermont et son voyage familial dans le Maine. "On ne veut pas aller dans un endroit où la démocratie est en danger, où des personnes subissent de grandes injustices et où on expulse des gens", confie à l'AFP la jeune étudiante.
Selon un sondage Abacus Data, 56% des Canadiens ont annulé leurs projets de voyage aux États-Unis ces dernières semaines ou modifié leur destination. Une tendance qui se traduit par une diminution de 40% des réservations des destinations américaines en février par rapport au même mois l'an dernier et un taux d'annulation de 20% sur les réservations préexistantes d'après l'agence de voyage Flight Centre Canada.
À terme, cela va peser sur l'économie américaine, les Canadiens représentant un marché de 20,5 milliards de dollars américains, qui soutient 140 000 emplois américains.
Pour certains Canadiens, cela va même plus loin que l'annulation d'un séjour américain.
Cela faisait 22 ans qu'André Laurent séjournait six mois par an en Floride pour fuir l'hiver canadien. Il fait partie du million de "snowbirds", dont plus de 250 000 Québécois, qui passent normalement une grande partie de l'année dans les États du Sud des États-Unis pour échapper au froid.
Mais pour lui aussi, tout a changé avec le retour de Donald Trump. Évoquant un climat "désagréable" depuis l'élection de ce dernier en novembre, ce fonctionnaire à la retraite a décidé de tirer un trait sur sa vie américaine et vendu sa propriété.
"Je ne me sentais plus le bienvenu et j'avais même l'impression de trahir mon pays", explique-t-il.
Cinq des six Canadiens qui habitaient son quartier résidentiel fermé ont aussi décidé de quitter définitivement les États-Unis.
"Choisir le Canada"
Après l'annonce par Donald Trump de l'imposition des droits de douane sur de nombreux produits canadiens, Justin Trudeau, alors encore Premier ministre, avait incité les Canadiens à rester chez eux.
"Pourquoi ne pas revoir vos plans pour les prochaines vacances d'été et finalement rester ici, au Canada ? Vous pourrez explorer les nombreux parcs nationaux et provinciaux, sites historiques et destinations touristiques que notre grand pays a à offrir", a-t-il déclaré.
Dans cette veine, les réseaux sociaux regorgent dorénavant de vidéos avec le slogan "Choisir le Canada", qui vantent les régions touristiques canadiennes comme les montagnes Rocheuses de l'Ouest ou les îles de la côte Est, présentées comme des plans B idéaux.
Et certaines agences de tourisme épousent cette tendance. Chez Nuance du monde, on ne propose plus d'emblée les voyages aux États-Unis. "On les boycotte au vu de la situation, parce que l'impact du tourisme est assez important pour les Américains", précise Samy Hammadache, le directeur de l'entreprise.
Les agences de voyage remarquent déjà une modification des réservations des Canadiens vers des destinations comme l’Europe, les Caraïbes, l’Amérique centrale et le Canada, au lieu des États-Unis.
Après avoir observé une baisse de la demande des destinations américaines, la compagnie aérienne canadienne Flair Airlines a modifié certaines de ses routes vers les États-Unis et au contraire renforcé celles vers le Mexique, la Jamaïque et la République dominicaine.
"Ces décisions sont basées sur l'offre et la demande du marché", précise Kim Bowie, directrice de la communication de Flair Airlines.
Le professeur en tourisme Michel Archambault y voit une situation prévisible.
"Le tourisme intérieur va sans doute connaître des records cette année", explique-t-il à l'AFP. Selon un sondage de la firme Léger, six Canadiens sur dix prévoient de rester au Canada pour leurs vacances.
Ce boycott des Canadiens représente un cas "particulier" dans l'histoire récente du tourisme, selon Michel Archambault.
Pour Rosalie Côté, un seul mot d'ordre: "Il faut dépenser l'argent chez nous plutôt que chez les voisins qui nous font des coups bas."
AFP
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