Tout va très bien, Madame la marquise…
©shutterstock

On a bien vu arriver des policières notamment aux feux de signalisation dans Beyrouth… une présence symbolique. Le gouvernement nous a expliqué que vous allez voir ce que vous allez voir en termes de sécurité. 

Mais, dans la réalité, tout va de mal en pis. Les rues des villes libanaises ont un air de mégapole sud-américaine. Les agressions avec violence se multiplient.

Jadis, quand on allait à Rio de Janeiro, on nous expliquait que pour survivre dans cette ville, il était impératif de laisser au coffre montres, argent, bijoux… et de se balader en jean et t-shirt. Eh bien! Nul besoin d’aller si loin pour expérimenter ce dépouillement volontaire salvateur. Il suffit d’arpenter nos rues. Pas un jour ne passe sans un fait divers sordide. Vols à l’arrachée, hommes armés et à moto, attaquant les civils à toute heure… avec parfois des victimes, comme cette semaine à Aïn el-Remmaneh. Pas plus tard que lundi soir à 22 heures, trois jeunes filles ont été agressées en plein quartier de Sioufi, à Achrafieh. 

Au nord, certains quartiers de Tripoli sont devenus de véritables coupe-gorges à la nuit tombée. Dans la capitale du Nord, la criminalité est venue s’ajouter à la pauvreté. La délinquance est générale et l’impunité, son corollaire. On peut, dès lors légitimement se poser la question de savoir ce que font les autorités responsables de la sécurité intérieure. Où sont les patrouilles, les rondes, les enquêtes, les arrestations? Réponse: c’est un “sentiment” d’insécurité, parce que l’ordre est tenu. Ben voyons! Allez donc expliquer ça aux Beyrouthins qui désormais privilégient le covoiturage ou le fait de se suivre à plusieurs voitures afin de limiter les risques d’agressions. 

C’est sûr qu’à ce rythme, la saison estivale s’annonce formidable!!! Et les cambriolages? “Sentiment” également. Les vendeurs de portes blindées ont pourtant vu leurs carnets de commandes exploser. Mais rien n’arrête les voleurs, agresseurs, tueurs… la peur du gendarme est un concept abscons depuis quelque temps. 

Le souci, c’est qu’au Liban, tout le monde est armé. Le risque est grand de voir certains civils se faire justice eux-mêmes. La phase d’après, ce seront les milices de quartiers. Chacune aura son territoire et ses ambitions. Pour éviter d’arriver à ce cauchemar, le gouvernement doit se reprendre, admettre la flambée de la délinquance et prendre des mesures concrètes.

Comme pour d’autres dossiers, pour le moment, nous sommes bercés par le ronronnement des douces promesses de lendemains qui chantent. Mais, l’incurie commence à crever les yeux. L’armée tente de protéger le pays au sud, au nord, à l’est… elle ne peut plus assurer un rôle de police en plus. Il y a urgence à mettre en place un plan de sécurité global susceptible de rassurer la population. Parce que, trop c’est trop. Guerre, destructions, crises et délinquance ne peuvent plus durer. Le pays a besoin d’un bol d’air frais. 

Dans deux mois c’est l’été, les expatriés et peut être les ressortissants des pays du Golfe et les Européens vont reprendre le chemin du pays. Si tout va bien. Si le Hezbollah ne se lance pas dans une nouvelle aventure hasardeuse, si la situation économique s’améliore, si les touristes ne sont pas pris pour cible par les malfrats qui vont et viennent en toute quiétude, si les prix dignes de Tokyo se stabilisent, si le Liban est réintégré dans le circuit financier mondial, si les déplacés syriens sont convenablement recensés, si les routes sont éclairées de telle sorte qu’un touriste ne passe pas de trou en dos d’âne… en fossé, si les déchets ne sont pas jetés dans la mer, si chaque ministre s’occupe de ses dossiers et arrête de faire de la géopolitique en bois dès que Morgan Ortagus tourne le dos…

Tout va très bien, Madame la marquise... sauf le peuple, les infrastructures, la sécurité, la lumière, l'économie, la route et l'État. Mais sinon... c’est parfait.

Gebran Khalil Gebran disait: “Le Liban n'est pas un pays où l'on vit, c'est un pays où l'on attend.” Attendons alors. Allez! Courage on va y arriver.

 

Commentaires
  • Aucun commentaire