À ceux qui misent sur le Fonds monétaire international
Des groupes de gauche manifestent contre l'accord conclu entre le gouvernement du président argentin Alberto Fernández et le FMI (Fonds monétaire international), visant à refinancer une dette de 44 milliards de dollars, à Buenos Aires, le 11 décembre 2021. ©ALEJANDRO PAGNI/AFP

Une délégation officielle libanaise se rend à Washington, la capitale américaine, pour participer aux réunions de printemps du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, munie de nouvelles promesses et engagements destinés à satisfaire ces deux institutions internationales et à les convaincre que le Liban a effectivement emprunté la voie de la réforme, aspirant à aller encore plus loin en remplissant toutes les exigences du FMI, dans l’espoir de parvenir à un accord final sur un programme de financement.

Le FMI a toujours été associé à de grandes promesses séduisantes pour les pays: mise à disposition de liquidités, programmes de sauvetage, soutien à la stabilité financière, renforcement de la confiance, ouverture aux financements extérieurs, retour sur les marchés financiers, etc. Mais en réalité, l’histoire témoigne également de l’échec de nombreux pays et de leur détresse financière accrue après avoir adhéré à des programmes du FMI. En effet, les programmes de cette institution internationale n'ont pas réussi à sortir nombre de pays de leurs crises économiques et financières, et les ont parfois menés à une détérioration encore plus grande. Plusieurs pays ont obtenu des prêts du FMI, mais n'ont pas réussi à redresser leur économie, devenant même prisonniers du Fonds: à peine un prêt terminé, ils sont contraints d’en contracter un autre. Les conditions du FMI sont strictes, ignorent souvent les droits humains, et gaspillent parfois les ressources et capacités des États. Le FMI applique des recettes standardisées à tous les pays, dont les plus notables sont:

• Le FMI est une institution financière qui accorde des prêts sous conditions. Il doit, en fin de compte, garantir que les pays remboursent ces prêts. Par conséquent, il n’entre pas dans un programme avec des États incapables de maîtriser leur dette. Il impose ainsi la réduction du ratio dette/PIB, ce qui implique de réduire les engagements financiers de l’État. (Cela est apparu dans la décision du Conseil des ministres n°3 en date du 20 mai 2022, concernant la stratégie de redressement du secteur financier, dans sa partie liée à «l’annulation d’une grande partie des engagements de la Banque du Liban en devises étrangères envers les banques, afin de réduire le déficit en capital de la Banque du Liban et de fermer sa position de change ouverte nette». Cette décision fut annulée par le Conseil d’État en février 2024, confirmant que ces montants avaient été empruntés par l’État, et que ce recours à l’endettement est illégal. Le Conseil affirme néanmoins que cette dette incombe à l’État, qui doit la rembourser aux banques, donc aux déposants). Ici, le gouvernement cherchait à satisfaire les exigences du FMI en réduisant les dettes et obligations de l’État.

• Ne faire porter à l’État aucun coût ou perte même s’il est responsable du gaspillage des fonds, et refuser tout report des pertes. Autrement dit, si l’État souhaite un programme du FMI, il doit solder ses pertes et engagements avant que le Fonds n’accepte. En fin de compte, pour le Liban, cela signifie transformer la dette – que le Conseil d’État a reconnue en février 2024 comme étant celle des déposants – en pertes à annuler.

• Libéraliser le taux de change et supprimer toutes les formes de subvention, en particulier sur les biens et services de base comme la farine, l’électricité, l’eau, les transports et les carburants – ce qui s’est déjà produit au Liban.

• Réduire les programmes d’aides sociales, allant jusqu’à la suppression complète des protections sociales, notamment les prestations de santé, d’éducation scolaire et d’aide sociale.

• Réduire la taille du secteur public et restructurer les salaires, c’est-à-dire les baisser – ce qui s’est également produit au Liban, qui n’a jusqu’à présent connu aucune véritable restructuration de son secteur public.

• Augmenter les taux d’imposition et les taxes – ce qui s’est vu dans les budgets 2024 et 2025 du Liban, où la croissance repose sur l’endettement.

Des questions légitimes… mais qui y répondra?

Tout ce que font actuellement les autorités libanaises, c’est convaincre les Libanais que l’accord avec le FMI est indispensable et constitue un passage obligé pour permettre au pays de revenir sur les marchés financiers et de rouvrir les portes du financement international. Mais plusieurs questions essentielles se posent:

• Le Liban a-t-il réellement besoin de la signature du FMI s’il met en œuvre les réformes nécessaires, notamment la restructuration de sa dette et un accord avec ses créanciers?

• Le Liban a-t-il besoin du FMI s’il restructure son secteur bancaire de manière équitable, protégeant à la fois les banques et les dépôts des épargnants?

• Le Liban a-t-il besoin du FMI s’il applique des réformes structurelles et institutionnelles, notamment dans les domaines de l’électricité, des instances de régulation, de la contrebande, de l’évasion fiscale et de la justice?

• Le Liban se précipite pour satisfaire les conditions du FMI à tout prix, en adoptant des lois qualifiées de réformatrices par leurs auteurs, alors qu’elles sont pleines de lacunes et de faiblesses. Que se passera-t-il si le Liban ne parvient pas à conclure un accord final avec un FMI qui continue d’imposer des conditions irréalistes?

• Que se passera-t-il si le Liban approuve ce financement supplémentaire pour sa contribution au FMI, en liant cette contribution à l’obtention d’un programme qui pourrait ne jamais voir le jour? Et nous parlons ici d’un montant de 423 millions de dollars, dont 100 millions en premier versement pouvant être utilisés pour financer des projets d’infrastructure au Liban, comme «l’achèvement de l’autoroute internationale de Damas», entre autres?

• Et surtout: que se passera-t-il si l’ancien président américain Donald Trump met sa menace à exécution et décide du retrait des États-Unis du FMI – les États-Unis étant le plus grand contributeur individuel au Fonds, avec plus de 16% de parts? Et si d’autres pays suivaient le mouvement, que deviendrait alors le FMI?

 

 

Commentaires
  • Aucun commentaire