Le jour de la Saint-Georges: une fête aux mille frontières
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Traditionnellement célébrée le 23 avril, la Saint-Georges occupe une place particulière dans le calendrier anglais. En 2025, cependant, l’Église d’Angleterre a décidé de repousser sa célébration liturgique au lundi 28 avril. Ce report obéit à une règle liturgique ancienne: lorsqu’une fête de saint tombe pendant l’Octave de Pâques, elle est déplacée pour ne pas éclipser la plus grande solennité chrétienne.

Pour autant, les célébrations civiles et culturelles, elles, ont bien eu lieu. À Londres, la traditionnelle réception de Downing Street s’est tenue le 22 avril, mettant à l’honneur la musique, les traditions et le patrimoine de l’Angleterre.

De la Cappadoce au trône d’Angleterre: la fabrique d’un mythe national

L’histoire de saint Georges commence loin des brumes anglaises. Né en Cappadoce au IIIᵉ siècle, il sert dans l’armée romaine et subit le martyre pour avoir refusé de renier sa foi chrétienne. Sa légende se répand d’abord en Orient, avant de gagner l’Europe via les Croisés, fascinés par le récit du chevalier qui terrasse un dragon pour sauver une jeune fille et un royaume.

En Angleterre, c’est sous le règne d’Édouard III que saint Georges s’impose comme symbole national. En 1348, le roi fonde l’Ordre de la Jarretière, qu’il place sous la protection du saint. La croix rouge sur fond blanc, associée à saint Georges, devient peu à peu un étendard militaire puis national. À partir du XVe siècle, la Saint-Georges est observée comme jour férié en Angleterre – bien qu’elle perde de son importance après la Réforme.

Aujourd’hui encore, saint Georges incarne une forme d’identité anglaise, non pas ethnique ou politique, mais culturelle et spirituelle – celle d’un peuple enraciné dans un récit de bravoure, de loyauté et de justice.

Le Moyen-Orient: un terreau ancien de dévotion

C’est au Levant que le culte de saint Georges prend l’une de ses formes les plus vivantes et les plus anciennes. En Palestine, la ville d’Al-Khader, voisine de Bethléem, lui est consacrée. Chaque année, les 5 et 6 mai, chrétiens et musulmans s’y rassemblent pour participer à des rites de guérison, des sacrifices d’animaux et des processions. Le saint y est connu aussi sous le nom d’Al-Khidr, figure mystique de l’islam, associée à la sagesse et à la vie éternelle.

Au Liban, son nom est porté par plusieurs lieux de culte, dont la cathédrale maronite Saint-Georges de Beyrouth et son homologue grecque orthodoxe. Ces deux édifices voisins témoignent du rôle unificateur que joue encore le saint dans une société pluraliste, où il est vénéré par plusieurs confessions chrétiennes.

Une figure célébrée aux quatre coins du monde

Outre l’Angleterre, le Liban et la Palestine, saint Georges est également le saint patron d’une douzaine d’autres pays et régions. En Géorgie, dont le nom dérive directement du sien, deux jours fériés lui sont consacrés. En Éthiopie, il est honoré comme protecteur de la nation depuis la victoire d’Adoua contre les Italiens. En Catalogne, le 23 avril est aussi la journée du livre et de la rose, une fête populaire et culturelle en l’honneur de Sant Jordi.

Des Balkans à l’Afrique de l’Est, du Caucase aux Cornouailles, la légende de saint Georges traverse les langues, les rites et les peuples — preuve qu’un récit de courage, enraciné dans le martyre et la foi, peut encore rassembler dans un monde fragmenté.

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