
Étranglés par les sanctions et des bombardements américains quasi quotidiens, les rebelles houthis du Yémen tentent d'exploiter la situation pour alimenter leurs efforts de propagande et de mobilisation, soulignent des analystes.
Lundi, quelques jours après des frappes américaines meurtrières contre un port pétrolier de l'ouest du pays, ces insurgés soutenus par l'Iran ont publié une vidéo d'un entraînement de leurs forces spéciales, censée montrer leur force et leur détermination face à Israël et son allié américain.
On y voit notamment des soldats masqués écrasant un drapeau israélien sous leur pied, et d'autres tirant sur des cibles aux couleurs des États-Unis, d'Israël et du Royaume-Uni, les trois pays impliqués dans les attaques contre le Yémen depuis l'année dernière, sur fond de musique exaltante.
Depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas à Gaza, les Houthis - qui font partie de « l'axe de résistance » contre Israël piloté par Téhéran - affirment tirer des missiles contre Israël et contre des navires qui lui sont liés en mer Rouge, par solidarité avec les Palestiniens.
En réponse, l'administration américaine du président Donald Trump a intensifié la pression sur le groupe, classé comme organisation terroriste, et mène des frappes quasi quotidiennes au Yémen depuis la mi-mars, faisant plus de 200 morts.
Les Houthis, qui contrôlent de larges pans du pays en guerre civile depuis 2014 et cherchent à prendre le contrôle total du Yémen, utilisent ces frappes « pour faire de la propagande », affirme Thomas Juneau, de l'Université d'Ottawa.
Ils utilisent leurs moyens d'informations pour se « poser en champions de la résistance contre les États-Unis et leurs partenaires régionaux, notamment pour élargir le recrutement », souligne ce spécialiste du Moyen-Orient.
Enfants soldats
Le mouvement rassemble régulièrement des milliers de manifestants contre les États-Unis et Israël dans la capitale sous son contrôle, Sanaa et affirme que des milliers de Yéménites ont rejoint des camps militaires depuis le début de la guerre de Gaza.
En février 2024, l'organisation Human Rights Watch a averti que le recrutement d'enfants soldats avait considérablement augmenté, après le début du conflit dans le territoire palestinien.
Samedi, au lendemain des frappes sur le port de Ras Issa ayant fait 80 morts selon les Houthis, leur chaîne de télévision, al-Massira diffusait des interviews des blessés, allongés sur des civières, jurant de continuer à soutenir Gaza.
La campagne américaine a « un coût humain élevé qui pourrait intensifier la mobilisation et le recrutement des Houthis », reconnaît Mohammed Albasha, un expert du Yémen basé aux États-Unis.
Pression économique
Les frappes américaines contre les rebelles au Yémen ont débuté en janvier 2024. Elles se sont multipliées sous la présidence de Donald Trump, visant notamment des centres de commandement et des infrastructures contrôlées par le mouvement.
Elles ont « infligé aux Houthis des pertes sévères et sans précédent », estime Maged Al-Madhaji, cofondateur du Sanaa Centre for Strategic Studies.
Les Houthis pourraient toutefois retrouver des forces « si la campagne s'arrête sans qu'une opération terrestre ne soit lancée ou s'il n'y a pas de règlement politique. Les Houthis sont capables de s'adapter et de supporter la pression », ajoute-t-il.
En parallèle, Washington a accentué la pression économique sur les Houthis en imposant des sanctions et en attaquant le port pétrolier stratégique de Ras Issa.
« Les dommages économiques sont bien plus importants que les seules frappes militaires », affirme Baraa Shiban, spécialiste du Yémen au Royal United Services Institute (RUSI), basé au Royaume-Uni.
Cette pression économique pourrait, selon lui, nuire aux capacités de mobilisation du groupe.
Après plus d'une décennie de guerre, les Yéménites « sont exténués. Et la situation économique catastrophique. Les gens veulent juste que le cycle de la violence s'arrête », croit-il savoir.
Avec AFP
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