
Les élections municipales de Jbeil s’annoncent décisives, tant pour la ville que pour le caza. Jbeil, l’une des plus anciennes cités habitées au monde et inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco, joue un rôle stratégique en tant que pôle culturel, touristique et économique du Liban. Son importance fait d’elle un levier clé pour toute force politique cherchant à renforcer sa légitimité, tant localement qu’à l’échelle nationale.
En dehors de la ville, le caza de Jbeil regroupe 40 municipalités, toutes réunies au sein de la Fédération des municipalités de Jbeil. Être en position de force dans cette ville est donc essentiel pour toute formation politique souhaitant jouer un rôle majeur au niveau du caza et du gouvernorat du Mont-Liban.
Ziad Hawat, un acteur incontournable
Depuis plusieurs années, Ziad Hawat, député des Forces libanaises (FL), domine la scène politique à Jbeil. Sa liste a remporté les élections municipales de 2010 et a été élue d’office en 2016, renforçant ainsi son influence sur la ville. Cette position a été consolidée par son rôle central au sein des FL et par le soutien d’autres forces politiques majeures, telles que les Kataeb, le Tachnag et le député Neemat Frem, figure influente dans les cazas du Kesrouane et de Jbeil.
En 2017, Wissam Zaarour a succédé à Ziad Hawat à la présidence de la municipalité, ce dernier ayant démissionné pour se présenter aux élections législatives. En effet, la loi interdit le cumul entre les fonctions municipales et législatives.
Une stratégie inchangée
Ziad Hawat continue sur la même lancée que lors de ses précédents mandats. Son slogan, «Jbeil plus belle, hier, aujourd’hui, demain», résume son projet pour la ville: préserver son héritage tout en développant des projets dans les secteurs culturels, touristiques et économiques. L’équipe de M. Hawat met l’accent sur la préservation de la ville et son ouverture au monde, comme en témoigne, entre autres, les activités touristiques et culturelles, dont le jumelage réalisé en 2022 avec la ville corse de Bonifacio, symbolisant un partenariat entre deux cités au patrimoine commun.
Une opposition qui se coalise
Cette année, Ziad Hawat se retrouve confronté à une liste intitulée «Al-Karar al-Joubeili» (La décision de Jbeil), présidée par Fadi Saad. Il s’agit d’une opposition composée notamment de plusieurs familles locales, soutenues le Courant patriotique libre (CPL) et Farès Souhaid, ancien député.
Les membres de la liste affirment vouloir «rompre avec dix ans de mauvaise gestion municipale», marquée par «le clientélisme, le manque de transparence, l’absence de développement économique et une marginalisation des familles locales et des jeunes».
La municipalité, une affaire locale
Intérrogé par Ici Beyrouth sur les motifs de son soutien à l’opposition, M. Souhaid critique les partis politiques pour leur tentative de «phagocyter» les décisions locales en «imposant» des candidats.
Bien que Farès Souhaid soit l’un des ténors du mouvement du 14 Mars, dont font partie les FL, il estime que la municipalité doit rester une affaire locale et familiale, loin des enjeux nationaux. «Les partis devraient se concentrer sur les élections législatives et laisser les communautés locales choisir librement leurs représentants municipaux», affirme-t-il.
«Cette liste de l’opposition, soutenue par le CPL, est représentée par des membres locaux du parti plutôt que par des décideurs politiques», précise M. Souhaid, estimant dans ce sens que le CPL n’est plus en mesure d’influencer le cours des élections comme auparavant.
M. Souhaid affirme qu’il «soutient de loin la liste opposée à Hawat, mais que sa véritable bataille se situe notamment à Qartaba», son fief, où il prévoit «une compétition électorale plus serrée». Aussi à Qartaba, il soutient un groupe de jeunes opposants indépendants face à la liste soutenue par les FL, le CPL, les Kataeb et Fadi Martinios, l’actuel président du Conseil municipal, ancien président de la Fédération des municipalités de Jbeil.
«À Ehmej, Nazih Abi Semaan, soutenu par l’ex-député du CPL Simon Abi Ramia, n’a pas réussi à créer un consensus autour de lui et fait face à une liste soutenue par les FL, tandis qu’à Akoura, une opposition se mobilise contre la liste des FL», ajoute M. Souhaid.
L’évolution de la Fédération des municipalités
Farès Souhaid évoque également l’évolution de la Fédération des municipalités au Liban, qui représente un aspect clé de la décentralisation administrative du pays. Il rappelle que l’initiative de fédérer les municipalités a commencé en 1977 sous le mandat de l’ancien président de la République, Élias Sarkis. Au début, seules 13 municipalités étaient fédérées. Cependant, seules 13 municipalités restent officiellement intégrées à la fédération, tandis que 27 autres, créées après 2004, n’y ont toujours pas adhéré.
M. Souhaid indique que ces nouvelles municipalités, en grande majorité chiites, pourraient demander à rejoindre la fédération après les élections de 2025. Selon lui, cette évolution pourrait profondément transformer la dynamique politique interne de la fédération, en rééquilibrant les pouvoirs et en modifiant des positions clés, comme celle de vice-président. À noter que le président de la fédération est maronite, alors que le vice-président orthodoxe.
Sondages divergents
La liste de Ziad Hawat, dirigée par le Dr Joseph Chami, est actuellement favorite, selon une source municipale de haut rang interrogée par Ici Beyrouth. Selon cette source, la liste devrait remporter les élections avec un score de 18-0, avec une avance de près de 1.000 voix. Cependant, cette projection ne fait pas l’unanimité. M. Souhaid prévoit plutôt une «bataille serrée».
À mesure que les élections approchent, les spéculations et les déclarations contradictoires se multiplient. Une chose est sûre: c’est dans les urnes que tout se jouera.
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