Le cardinal Turkson, favori pour devenir le premier pape africain
Le cardinal ghanéen Peter Kodwo Appiah Turkson assiste à la signature de l'accord « Global Freedom Network » entre les représentants de l'église catholique, de l'église anglicane et de l'université sunnite Al-Azhar pour lutter contre les « formes modernes d'esclavage et de trafic d'êtres humains », le 17 mars 2014 au Vatican. ©Andreas SOLARO / AFP

Le cardinal ghanéen Peter Turkson est considéré comme l'un des plus influents responsables de l'Église catholique venus d'Afrique, où le catholicisme croît rapidement et d'où pourrait venir le prochain pape.

Issu d'une famille modeste, cet homme de 76 ans a été le premier religieux d'Afrique de l'Ouest à être créé cardinal, une décision prise en 2003 par Jean-Paul II.

Il est actuellement le chancelier de deux académies pontificales, celles des Sciences et des Sciences sociales.

Même avant la démission surprise de Benoît XVI en 2013, le cardinal Turkson était déjà considéré comme le candidat favori de l'Afrique pour le trône de Saint-Pierre, alors qu'il n'y a jamais eu de pape noir dans l'Histoire de l'Église.

« Je ne voudrais pas être le premier pape noir », a-t-il confié dans un entretien en 2010. « Je crois qu'il vivrait des moments difficiles. »

L'éventualité de son élection reflète l'évolution démographique de l'Église, qui recule en Europe mais connaît sa croissance la plus rapide en Afrique.

Né dans la ville minière de Nsuta-Wassa (sud), Turkson est le quatrième de dix enfants. Sa mère, méthodiste, vendait des légumes, et son père, catholique, était charpentier.

Ordonné prêtre en 1975, il quitte le Ghana pour aller étudier à Rome et New York.

En 1992, Jean-Paul II le nomme archevêque de Cape Coast, un diocèse comptant quelque 300 000 fidèles qui s'est développé sous sa direction. En 2003, il est créé cardinal.

Pauvreté et sorcellerie

Au Ghana en 2008, il joue le rôle de médiateur dans la foulée d'élections aux résultats serrés risquant de dégénérer en violences. Un an plus tard, il est choisi par Benoît XVI pour occuper un rôle clé au sein d'une assemblée spéciale sur l'Afrique qui aborde des thèmes comme la réconciliation, la pauvreté, le sida, la fuite des cerveaux et la sorcellerie.

Benoît XVI le sollicite à nouveau en 2009 pour la présidence du Conseil pontifical pour la Justice et la Paix, qui s'occupe de la justice sociale et des droits de l'Homme.

Dans le cadre d'une réforme de la Curie romaine (le gouvernement de l'Église), le pape François nomme en 2016 le cardinal Turkson à la tête d'un nouveau ministère, le dicastère pour le Service du développement humain intégral, qui a fusionné le Conseil pontifical pour la Justice et la Paix avec trois autres.

En charge des questions économiques et sociales considérées comme des priorités par François, Turkson, qui parle six langues, s'est rendu à de multiples reprises au Forum de Davos pour mettre en garde les acteurs économiques contre les risques et limites de la théorie du ruissellement.

En 2016, François l'envoie au Soudan du Sud en tant qu'émissaire spécial pour tenter de réconcilier les camps qui s'y affrontent, et durant la pandémie de coronavirus il a dirigé un comité chargé d'en étudier les retombées économiques et sociales.

Toutefois, Turkson a démissionné en 2021 de son poste de préfet du dicastère pour le Service du développement humain intégral, dans le cadre d'un remaniement sur fond de tensions internes, ne laissant aucun Africain parmi les titulaires des plus hauts postes du Vatican.

Musique entraînante»

Bien qu'il ait critiqué les législations homophobes en Ouganda, il défend la position de l'Église sur cette question, excluant que l'homosexualité relève des droits humains.

Sur la question cruciale en Afrique du recours aux préservatifs, il a suggéré qu'ils puissent être utiles pour les couples monogames dont l'un des membres est séropositif, mais aussi qu'il serait plus judicieux de dépenser cet argent pour des rétroviraux destinés aux personnes déjà infectées.

En 2012, le cardinal avait dû présenter ses excuses après avoir présenté au synode des évêques une vidéo choc sur l'expansion de l'islam en Occident.

À propos de la vision des Africains du catholicisme, il a estimé que l'Église évangélique s'en sort mieux pour convertir de nouveaux fidèles que l'Église catholique, qui est devenue trop cérébrale alors que les évangéliques font appel « au cœur, avec de la musique entraînante, des prières joyeuses... »

« Parfois, nous les Africains nous nous moquons des Européens et des Américains qui sont des fans de sport enthousiastes », a-t-il observé en 2012. « Ils peuvent hurler et crier du fond du cœur à un match de foot, mais à l'église même chanter un cantique semble relever d'un exercice de pénitence. »

Par Alexandria SAGE

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