Semblant de retour à la normale dans la capitale du Soudan
Des personnes passent devant des étals dans le quartier d'al-Kalakla, au sud de la capitale Khartoum, le 29 avril 2025. ©AFP

Dans le sud de la capitale du Soudan ravagée par la guerre, l'asphalte fatigué résonne à nouveau du pas des ânes sur le grand marché de Kalakla, au milieu de voitures calcinées entre lesquelles slaloment les piétons.

Repassée sous contrôle de l'armée, Khartoum retrouve une part de son animation habituelle, même si la guerre qui déchire le pays depuis deux ans n'est pas finie et que des paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) sont toujours positionnés dans les environs.

Jeudi, ils ont bombardé le palais présidentiel depuis une position située à 20 kilomètres du grand marché de Kalakla. Quelques jours auparavant, ils avaient frappé le QG de l'armée. Précaire, le semblant de normalité revenu dans la capitale soudanaise est néanmoins salué par les habitants de Kalakla, après deux ans sous la coupe des paramilitaires.

Le quartier était encore désert il y a quelques semaines, ses magasins fermés, des tireurs embusqués surveillant les rues silencieuses de ce qui était une base des paramilitaires. Aujourd'hui, Magbool Issa Mohamed, un vendeur du marché, se «sent à nouveau en sécurité».

«Le commerce reprend», dit-il en arrangeant son étal, et «c'est possible de se déplacer».

Au pied des bâtiments endommagés, entre les murs perforés par les balles et les carcasses calcinées de voitures, d'autres vendeurs ont réinstallé leurs stands : fruits, légumes et produits ménagers sont disposés à même le sol ou sur des planches posées sur des tréteaux.

L'armée est déployée partout, a constaté une équipe de l'AFP sur place. En mars, elle a repris le palais présidentiel, l'aéroport et des zones stratégiques, délogeant les paramilitaires qui ont été repoussés dans les faubourgs ouest.

Le 15 avril 2023, Khartoum avait été réveillée par les bombes, marquant le début de la guerre entre deux généraux auparavant alliés: Abdel Fattah al-Burhane, chef de l’armée et dirigeant de facto le pays depuis un coup d'État en 2021, et son ancien adjoint Mohamed Hamdane Daglo, commandant des paramilitaires.

Entré dans sa troisième année, le conflit a fait des dizaines de milliers de morts, a déraciné 13 millions de personnes et provoqué «la pire crise humanitaire au monde», selon l’ONU.

Rien qu'à Khartoum, plus de 3,5 millions de personnes ont fui. Avec le retour de l'armée, l'ONU estime qu'environ 2,1 millions de déplacés pourraient y revenir dans les six prochains mois, si les conditions de sécurité le permettent.

« Ils ont détruit le pays »

À l'image de Khartoum qui a subi de lourdes destructions et où la présence de munitions non explosées reste une source de dangers pour la population, Kalakla a beaucoup souffert.

Son emplacement proche d'une base militaire en avait fait une des toutes premières cibles des paramilitaires.

Ces jours-ci, ce faubourg est rendu à sa vie presque ordinaire. Des femmes prennent le thé au bord de la route. Un homme, valise à bout de bras, se tient près d'un minibus.

Le service de transports n'a pas entièrement repris, les bus sont pleins à craquer et les passagers escaladent le toit des véhicules, préférant voyager de manière risquée plutôt que d'attendre le transport suivant qui pourrait mettre des heures à venir.

Kalakla est situé sur la route menant à Jebel Awliya, verrou stratégique vers la vaste région occidentale du Darfour, quasiment sous le contrôle des paramilitaires.

La situation reste donc fragile. Des poches de résistance des FSR subsistent et le crépitement des mitrailleuses résonne toujours dans l'ouest et le sud d'Omdurman, ville voisine de Khartoum, où les troupes paramilitaires s'accrochent à leurs derniers postes.

Les deux camps ont été accusés de viser des civils, de bombarder aveuglément des zones habitées et d'empêcher l'acheminement de l'aide humanitaire. Mais les paramilitaires tout particulièrement de violences sexuelles systématiques, pillages et nettoyage ethnique.

«Ils n'ont rien laissé», s'emporte Mohamed al-Mahdi, un habitant. «Ils ont détruit le pays et nous ont volé nos biens», accuse-t-il, en poussant sa bicyclette.

Selon l'agence de presse soudanaise (Suna), le gouvernement travaille à restaurer le service d'eau à Kalakla où elle manque encore.

Serelkhitm Shibti se désole et sa peine va au-delà de la question des services et infrastructures détruites : «Ce qui me fait mal, ce n'est pas l'argent perdu, c'est chaque goutte de sang versée sur cette terre».

 

Avec AFP

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