L’AfD classé «extrémiste de droite »: vers une interdiction du parti ?
Alice Weidel, codirigeante du parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD), s'adresse aux délégués lors d'un congrès du parti le 11 janvier 2025 à Riesa, dans l'est de l'Allemagne ©(JENS SCHLUETER / AFP)

Le parti Alternative pour l'Allemagne (AfD) a été classé «extrémiste de droite» par le renseignement intérieur allemand, une décision qui relance le débat sur son éventuelle interdiction à quelques jours de l'investiture de Friedrich Merz au poste de chancelier.

L'idéologie de l'AfD «dévalorise des groupes entiers de la population en Allemagne et porte atteinte à leur dignité humaine», ce qui n'est «pas compatible avec l'ordre démocratique» du pays, a déclaré l'Office de protection de la Constitution vendredi dans un communiqué pour expliquer son verdict.

L'AfD a d'ores et déjà promis de «se défendre juridiquement» contre cette décision qui permet aux autorités d'utiliser plus facilement des moyens de surveillance et de contrôle, y compris des communications privées, de ses membres.

Créé en 2013, ce parti a effectué une percée historique aux élections législatives du 23 février, en arrivant deuxième derrière les conservateurs avec un score de plus de 20%, le double du précédent.

Depuis, l'AfD a même dépassé dans certains sondages l'Union chrétienne-démocrate (CDU) de Friedrich Merz qui doit être élu chancelier mardi par les députés.

En pleine campagne électorale, ce dernier avait été accusé d'avoir brisé le «cordon sanitaire» entourant l'extrême droite, lorsque députés conservateurs et de l'AfD avaient allié pour la première fois leurs voix afin de faire adopter un texte visant à durcir la politique migratoire.

«Propagation de préjugés»

Pour défendre sa décision, l'Office souligne en particulier «l'attitude globalement hostile aux migrants et aux musulmans» de l'AfD qui «favorise la propagation et l'approfondissement de préjugés, ressentiments et peurs».

Le service de renseignement «opère de manière autonome» et sa décision résulte d'«un examen exhaustif et neutre, consigné dans un rapport de 1.100 pages», a dit la ministre de l'Intérieur Nancy Faeser devant la presse vendredi.

Les chefs de l'AfD, Alice Weidel et Tino Chrupalla, ont quant à eux dénoncé «un coup dur pour la démocratie allemande», assurant que leur parti «continuera à se défendre juridiquement contre ces diffamations (...)».

Tout ceci constitue un petit séisme compte tenu de l'ascension de cette formation, qui rêve de prendre le pouvoir à l'issue des prochaines législatives, en 2029.

Les services de renseignements intérieurs allemands avaient déjà classé «extrémistes» l'organisation de la jeunesse et plusieurs branches régionales de l'AfD mais son classement global au niveau fédéral revêt une dimension supérieure.

«Aucun automatisme» 

La décision de l'Office de protection de la Constitution a d'ores et déjà relancé le débat sur une éventuelle interdiction de ce parti, déjà évoquée ces derniers mois par certains responsables politiques.

Les «ennemis de la démocratie» doivent être «combattus avec tous les moyens politiques et juridiques disponibles jusqu'à ce que le danger pour notre démocratie libérale soit écarté», a ainsi estimé le député social-démocrate Ralf Stegner dans une réaction auprès du journal Handelsblatt.

«Il n'existe aucun automatisme» après un classement de ce type, a quant à elle souligné Nancy Faeser.

Si elle ne doit «pas être exclue», la perspective d'une «procédure d'interdiction de l'AfD se heurte, pour de bonnes raisons, à des obstacles constitutionnels très élevés».

Elle exige que le Bundestag, le Bundesrat - les deux chambres du Parlement - ou le gouvernement allemand dépose une plainte très motivée auprès de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe.

En déplacement à Hanovre, le chancelier sortant Olaf Scholz a d'ailleurs mis en garde, selon le journal Bild, contre «une décision précipitée», les juges suprêmes ayant déjà rejeté toutes les récentes demandes d'interdiction.

Après une décision de la Cour suspendant le financement public d'un petit parti néonazi, début 2024, certains élus avaient évoqué une mesure similaire à l'encontre de l'AfD en lieu et place d'une interdiction.

Vendredi, le politologue Wolfgang Schroeder, de l'université de Cassel (centre), a estimé, sur la chaîne de télévision Phoenix, qu'il n'était pas certain que le nouveau classement «réduise l'attrait de l'AfD» auprès de ses électeurs.

Interrogée par l'AFP, Manuela Spitzwieser, une électrice de l'AfD habitant Duisbourg (ouest), voit son parti «certes à droite, très clairement, mais pas d'extrême droite».

«Oui, ils peuvent» interdire le parti, mais ses partisans auront alors «deux options», estime cette femme de ménage âgée de 54 ans : «fonder un nouveau parti» ou «descendre dans la rue comme les Gilets jaunes en France».

Par Pierrick YVON / AFP

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