
Les positions exprimées par le président de la République, Joseph Aoun, le président du Parlement, Nabih Berry, et le chef du gouvernement, Nawaf Salam – les trois piliers du pouvoir exécutif ou «troïka» – indiquent qu’un consensus a été trouvé sur les grandes orientations de la solution politique et des réformes à engager. Parmi les points clés figure la centralisation des armes sous l’autorité exclusive de l’État. Toutefois, des désaccords subsistent quant aux modalités de mise en œuvre, même si tous s’accordent sur la nécessité d’une approche politique visant à préserver la paix civile, considérée comme une ligne rouge à ne pas franchir.
Selon des sources diplomatiques occidentales, plusieurs capitales influentes expriment leur inquiétude face à la lenteur du processus engagé par le nouveau mandat présidentiel pour asseoir les fondations d’un État solide et accélérer les réformes attendues, notamment en matière de contrôle des armes. Ces sources reconnaissent que les actions entreprises au cours des cent premiers jours du mandat, ainsi que les avancées obtenues, sont significatives, mais jugent ces efforts encore en deçà des attentes. «Il n’y aura pas de retour en arrière», a affirmé le président Aoun, ajoutant: «Nous sommes sur la bonne voie pour instaurer un véritable État de droit et remettre les institutions sur pied.»
Par ailleurs, le président Aoun a assuré à une délégation américaine que «la décision de confier les armes à l’État exclusivement est irréversible», ajoutant que «le processus de désarmement ne devra pas provoquer de troubles sécuritaires, car il se fera par le biais du dialogue avec les parties concernées qui sont tout autant attachées à la paix civile. L’année 2025 sera placée sous le signe du monopole des armes aux mains de l’État».
Concernant l’impatience de Washington quant au désarmement du Hezbollah, M. Aoun a insisté sur la nécessité de préserver la paix civile, tout en reconnaissant l’engagement américain concernant la stabilité du Liban. Le Premier ministre Salam a précisé que «le Hezbollah affirme constamment vouloir soutenir l’État qui a désormais pris une décision claire sur la question, conformément à la déclaration ministérielle approuvée par le Hezb».
Il n’en demeure pas moins que, bien que le régime actuel ait réussi à organiser les élections municipales et locales en temps voulu, après neuf ans d’interruption, bravant les tentatives de report, des diplomates européens soulignent que l’étau se resserre. En ce sens, un responsable américain a averti que le délai arrive à son terme et que les autorités doivent saisir cette opportunité au plus vite pour accélérer la reconstruction de l’État. De son côté, un sénateur français en visite au Liban a exprimé sa crainte que le pays ne perde le soutien international, notamment américain et français, qui se détournera vers d’autres crises mondiales, ce qui réduirait considérablement l’attention portée au Liban. L’horloge tourne et il est crucial d’éviter que le dossier libanais ne passe d’un enjeu prioritaire à un sujet secondaire dans l’attente d’évolutions géopolitiques majeures.
Dans ce contexte, le mois de mai s’annonce comme une échéance décisive pour évaluer la crédibilité du pouvoir en place, sommé de prendre des mesures concrètes et audacieuses – à commencer, selon une source américaine, par le démantèlement progressif des arsenaux. Ce processus se fera par étapes: les autorités libanaises envisagent d'abord la neutralisation des armes lourdes et intermédiaires, qui seraient placées dans des dépôts sous contrôle étatique, avant de traiter, dans un second temps, la question plus délicate des armes légères.
Toujours selon cette source, et en prévision de l’échéance fixée à la fin du mois, la troïka dirigeante a informé le nouveau chef de mission américain chargé de l’observation du cessez-le-feu, le général Michael Leenney, de la nécessité d’exercer des pressions sur Israël pour qu’il procède à un retrait total du territoire libanais. Un tel retrait permettrait le déploiement intégral de l’armée libanaise dans le sud, condition essentielle pour prévenir les violations, stabiliser durablement la région, et ouvrir la voie au traitement du dossier sensible des armes situées au nord du fleuve Litani.
Par ailleurs, les responsables occidentaux réclament une transparence totale sur les mesures prises par l’État, afin de les soumettre à l’examen de l’opinion publique locale et internationale. Ces mesures audacieuses et nécessaires sont vues comme essentielles pour établir un État de droit et redresser les institutions. Un diplomate européen en visite récente a souligné que la marge de manœuvre se réduit, et que le régime n’a plus de temps à perdre.
Selon des sources ministérielles, il est crucial de prendre le contrôle des armes palestiniennes et de les mettre sous l’autorité de l’État, ce qui faciliterait également la gestion des armes iraniennes. Les deux dossiers des armes palestiniennes et iraniennes seront désormais traités conjointement. La prochaine visite du président palestinien Mahmoud Abbas au Liban sera centrée sur la question des armes palestiniennes, notamment après les récentes accusations visant des membres du Hamas pour avoir tiré des roquettes vers Israël.
Le mois de mai sera donc marqué par la régulation des armes illégales – qu’elles soient libanaises, palestiniennes ou iraniennes.
La question reste de savoir si l’État parviendra à placer les armes lourdes dans des dépôts sous son autorité ou si elles seront sorties hors du pays. Les armes palestiniennes constituent un facteur d’instabilité, et le président Aoun entend s’accorder avec Mahmoud Abbas pour éliminer les foyers de tensions sécuritaires sur le territoire libanais. Aucune zone sur le territoire, y compris les camps palestiniens, ne doit échapper à l’autorité de l’État.
Toutefois, des sources sécuritaires mettent en garde contre une confrontation inter-palestinienne entre le Fatah et le Hamas, sur le territoire libanais, sous prétexte de contrôle des camps, faisant fi du positionnement clair du mandat actuel, qui souhaite sortir le Liban de l’axe de la Moumanaa et rejette la logique de l’unification des fronts. Dans cette optique, plus aucun acte militaire ne sera toléré à partir du Liban-Sud.
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