Mauvais départ pour Merz au moment de prendre les rênes de l'Allemagne
Friedrich Merz (à gauche) quitte la salle de réunion après une déclaration à la presse, à l’issue de la réunion du groupe parlementaire tenue suite à la signature de l’accord de coalition entre la CDU, la CSU et le Parti social-démocrate (SPD) en vue de former le nouveau gouvernement allemand, à Berlin, le 5 mai 2025. © by John MACDOUGALL / AFP

Le conservateur Friedrich Merz a échoué mardi à se faire élire chancelier au premier tour de scrutin par les députés allemands, signe de l'immense pression à laquelle est confronté celui qui s'apprête à diriger un pays fragilisé par les crises.

Un tel échec pour un candidat chancelier est sans précédent dans l'histoire politique d'après-guerre de l'Allemagne, illustrant la fragilité du dirigeant démocrate-chrétien.

Dans un scénario totalement inattendu, l'élu de 69 n'a pas obtenu la majorité requise au premier tour de scrutin de la part des 630 élus Bundestag, la chambre basse du parlement.

Dans une Allemagne fragilisée par les coups de boutoir de Donald Trump et obligée de se réinventer face à la progression de l'extrême droite, Friedrich Merz savait qu'il ne bénéficierait d'aucune état de grâce mais ne s'attendait pas à essuyer une telle humiliation, comme l'a laissé transparaître son visage fermé, dans les travées de l'assemblée, à l'issue du vote.

M. Merz n'a obtenu que 310 voix sur 621 exprimées et 630 députés au total. Il lui en aurait fallu 316 pour être élu. Il va désormais se soumettre à un deuxième tour de vote, à l'issue duquel, s'il ne devait à nouveau pas obtenir de majorité, une majorité relative des députés serait suffisante pour qu'il devienne chancelier.

Il n'est pas certain que ce deuxième tour se tienne mardi. Il pourrait aussi être reporté à un autre jour, selon les médias allemands.

L'échec du premier tour «montre à quel point les fondations de cette coalition sont fragiles», a exulté la dirigeante de l'extrême droite, Alice Weidel.

Attendu avec espoir en Europe pour succéder au social-démocrate Olaf Scholz, le vainqueur des élections de février proclame que «l'Allemagne est de nouveau sur les rails». Mais il affronte des défis énormes.

La première économie européenne se trouve à un moment de bascule géopolitique, contrainte de s'affranchir de la tutelle militaire d'un allié américain devenu imprévisible et de réinventer son modèle économique

Avocat de formation, Merz est un vieux routier de la politique allemande mais qui n'a jamais occupé de poste exécutif.

Il doit s'installer aux commandes de l'Allemagne pour les quatre prochaines années à la tête d'une coalition formée avec les sociaux-démocrates (SPD) d'Olaf Scholz, mais moins de trois mois après sa victoire aux législatives, sa cote de popularité est déjà au plus bas.

Le parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD) a réclamé mardi de nouvelles élections législatives en Allemagne après l'échec du conservateur Friedrich Merz à se faire élire chancelier au Bundestag au premier tour de scrutin par les députés.

«Nous sommes prêts à assumer la responsabilité gouvernementale (...) M. Merz devrait démissionner immédiatement et la voie devrait être ouverte à de nouvelles élections dans notre pays», a déclaré Alice Weidel, co-dirigeante de ce parti arrivé en deuxième position aux législatives du 23 février et qui fait actuellement jeu égal dans les sondages avec les conservateurs.

Ere d'«incertitude» 

Lundi, Friedrich Merz a lui promis de «faire avancer» l'Allemagne en ces temps «de grande incertitude».

En haut de ses priorités: «redonner sa fierté» au pays, confronté à une crise profonde de son modèle industriel, que la guerre commerciale de Donald Trump pourrait aggraver. Il a promis un nouveau «leadership» en Europe, qui passe par un resserrement des liens avec Paris mais aussi Varsovie.

Pour l'incarner, il effectuera - comme ses prédécesseurs - sa première visite à l'étranger dans la capitale française, où il sera reçu dès mercredi par Emmanuel Macron. Et se rendra ensuite en Pologne.

Partisan d'un soutien sans faille à l'Ukraine, le nouveau chancelier s'est dit ouvert, sous conditions, à la livraison de missiles longue portée Taurus à Kiev, malgré les menaces de la Russie.

Friedrich Merz a aussi marqué les esprits en annonçant dès mars un programme de dépenses inédit de plusieurs centaines de milliards d'euros pour réarmer et moderniser une Allemagne en récession depuis deux ans. Il a pour cela assoupli les règles budgétaires nationales très strictes.

Parmi les chantiers prioritaires, la remise à niveau de l'armée nationale, à la fois pour assurer la défense du pays et sa contribution à l'Otan, mais aussi des infrastructures aussi essentielles que les routes et écoles, en mauvais état après des années de sous-investissement.

L'ombre de l'AfD 

Sur le plan intérieur, Friedrich Merz va devoir rapidement tenir ses promesses. Car certaines enquêtes placent l'extrême droite de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) devant son parti CDU.

Il entend pour inverser la tendance se montrer dur sur l'immigration.

Lundi, il a évoqué un «devoir historique de mener cette coalition vers le succès», alors que l'extrême droite parie, elle, sur un échec pour gagner les prochaines élections législatives de 2029.

En pleine crise géopolitique, le conservateur va «courir un marathon sur une corde raide», commente le politologue et auteur Michael Bröning, mettant en garde contre le «moindre vacillement» sur lequel pourrait «se jeter l'extrême droite.»

Son succès dépendra aussi de l'alignement des vues avec les alliés sociaux-démocrates sur la politique migratoire ou économique.

Avec les portefeuilles des Finances, revenu à Lars Klingbeil, et de la Défense où reste le sortant Boris Pistorius, le parti social-démocrate a les moyens de peser sur la politique du prochain gouvernement.

Par Pierrick YVON/AFP

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