Les Houthis, ou l'art du suicide non assisté
©Mohammed HUWAIS / AFP

Il y a dans le chaos moyen-oriental actuel des logiques qu'on feint de comprendre, mais qui finissent toujours par nous échapper. Dernière illustration: les missiles régulièrement tirés par les Houthis du Yémen sur Israël.

Dans ce théâtre de l’absurde, les Houthis ont donc décidé, depuis plusieurs mois, de viser Israël. Pourquoi? Pour soutenir Gaza, bien sûr, selon le dogme en vigueur. Mais aussi, peut-être, pour rappeler qu'ils existent, qu'ils sont les derniers à «résister», pendant que tout le monde autour d'eux baisse les armes ou détourne les yeux. Car pendant que leurs missiles, mal guidés, traversent la mer Rouge en quête de cibles israéliennes symboliques (dernière en date: l’aéroport Ben Gourion), la réponse ne se fait pas attendre: l’aviation israélienne frappe l’aéroport de Sanaa comme on tape sur un interrupteur, et le détruit.

Comment est-il possible que les chefs houthis aient douté une seule seconde qu’en tirant sur Ben Gourion, Israël allait, bien plus efficacement, détruire l’aéroport de Sanaa! Dans une série d’opérations conjointes avec les États-Unis, les Israéliens ont aussi réduit à néant les infrastructures portuaires, énergétiques… Les Américains, dans un étonnant tour de passe-passe diplomatique, annoncent désormais que les Houthis, sonnés par des frappes somme toute très prévisibles, «ont déposé les armes», et que les raids allaient donc être suspendus. Un cessez-le-feu autoproclamé par Washington. On en reste bouche bée.

Cette séquence résume à elle seule l'incompréhensible stratégie houthie. Une organisation née d’un conflit tribal devenu guerre régionale et aujourd’hui pion résiduel d’un «axe de la résistance» dont tous les chefs ont déserté le champ de bataille ou sont morts. L’Iran, leur parrain idéologique et financier, est occupé à discuter de son programme nucléaire et balistique en les utilisant comme carte de pression dans les négociations. Et tant pis si les Yéménites mettront des décennies à reconstruire leur pays. La survie du régime des mollahs vaut bien des «sacrifices». 

De son côté, l'Arabie saoudite tient sa revanche. Le Royaume avait lancé une guerre «éclair» en 2015, persuadé de pouvoir balayer les Houthis en quelques semaines. C’était sans compter les flots d’armes et d’argent déversés par l’Iran et le Hezbollah. L’opération saoudienne mollement soutenue par l’Occident s’était terminée sans grande gloire et avait englouti des centaines de milliards de dollars partis dans les volutes d’une guerre d’usure.

Le président américain arrive dans le Golfe la semaine prochaine. Donald Trump va-t-il demander à Riyad de «finir le travail au sol» avec, cette fois, un réel soutien? Rien n’est exclu. 

Une chose est certaine: les Houthis ont joué leur dernier acte dans une tragédie que plus personne ne regarde. Ce sont les fantassins abandonnés de l’expansionnisme iranien. Peut-être est-ce cela la vraie défaite: continuer à se battre quand le monde entier est passé à autre chose.

Napoléon Bonaparte disait: «N’interrompez jamais un ennemi qui fait une erreur.» Les Houthis n’ont fait que ça, des erreurs.

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