
La levée des sanctions américaines contre la Syrie par Donald Trump représente un tournant, mais il reste plusieurs obstacles avant que l'économie ne puisse se remettre des années d'isolement et de guerre.
Le président américain Donald Trump a annoncé mardi qu'il allait «ordonner l'arrêt des sanctions contre la Syrie», qui pèsent lourdement sur son économie, en affirmant que ce geste fort allait lui «donner une chance de grandeur».
La diplomatie syrienne s'était réjouie mardi de ce «tournant décisif», d'autant que l'Union européenne, le Royaume-Uni et le Canada ont déjà assoupli leurs propres régimes de sanctions.
Le ministre syrien des Finances, Mohammad Yassir Barniyeh, a déclaré mardi à l’agence officielle Sana que cette décision «aidera la Syrie à reconstruire ses institutions, à fournir les services essentiels à la population, et à ouvrir de grandes perspectives d’investissement tout en restaurant la confiance dans l’avenir du pays».
Selon Jihad Yazigi, directeur du site économique en ligne «The Syria Report», «les sanctions américaines étaient les plus contraignantes» parmi toutes les sanctions occidentales.
Leur levée représente donc «un signal politique très fort : cela signifie simplement que tout le monde peut à nouveau collaborer avec la Syrie, que nous repartons de zéro, ce qui est crucial», explique-t-il à l'AFP.
Il ajoute que «l’effet immédiat le plus visible sera la facilitation des transferts d’argent en provenance des pays du Golfe, ainsi que des aides au développement en général».
La majorité des sanctions américaines ont été imposées après le début du conflit en 2011. Elles visaient l’ancien président Bachar el-Assad qui a réprimé dans le sang des manifestations anti-gouvernementales, mais aussi plusieurs membres de sa famille, ainsi que des responsables politiques et économiques.
Transferts financiers
En 2020, de nouvelles sanctions sont entrées en vigueur en vertu de la «loi César», ciblant de nombreux proches de Bachar el-Assad, dont son épouse Asma, avec le gel de leurs avoirs aux États-Unis.
Cette loi prévoit également des sanctions sévères contre toute entité ou entreprise coopérant avec le régime syrien. Elle cible aussi les secteurs de la construction, du pétrole et du gaz, et interdit toute aide américaine à la reconstruction, sauf pour les ONG humanitaires qui sont exemptées.
Pour les Syriens, dont environ 90% vivent sous le seuil de pauvreté selon l’ONU, l’impact dépendra du calendrier de la levée des sanctions bancaires, «car cela signifierait permettre au système financier américain d’interagir avec le système bancaire syrien», explique M. Yazigi, et permettre ainsi les transferts d’argent vers ou depuis la Syrie.
Cela «améliorera l’activité commerciale, renforcerait les investissements, créerait de nombreux emplois et dynamiserait l’environnement économique», selon lui.
Quant à la livre syrienne, qui a perdu environ 90% de sa valeur depuis le début du conflit, M. Yazigi estime que l’afflux de dollars dans le pays pourrait avoir un effet positif sur sa stabilisation, voire son renforcement.
Obstacles persistants
Mais l’économiste politique Karam Shaar explique que «les procédures de levée des sanctions sont longues et complexes, même en présence d’une volonté politique».
«Il faudra plusieurs mois pour lever ces sanctions, car il s’agit aussi de textes législatifs punitifs; certaines sanctions relèvent de lois, et non simplement de décrets exécutifs.»
Concernant la «loi César», il rappelle que «le président peut suspendre les sanctions, mais ne peut pas les abroger sans un vote du Congrès».
Après la levée des sanctions, M. Yazigi affirme qu’«on peut commencer à réfléchir et à planifier une reconstruction à plus grande échelle», mais que «la levée des sanctions seule ne suffit pas».
L’ONU estime à plus de 400 milliards de dollars le coût de la reconstruction après 14 années de guerre qui ont fait plus de 500.000 morts et plus de 10 millions de déplacés.
Selon Jihad Yazigi, il faudra aussi «mobiliser les fonds nécessaires pour soutenir ce processus», en particulier en provenance des pays du Golfe et de l’Europe.
À ce jour, seuls 1,87 million de déplacés syriens sont retournés dans leurs régions d’origine, selon l'ONU, qui indique que «le manque d’opportunités économiques et de services de base constitue le principal obstacle au retour des Syriens».
Des pays arabes et occidentaux se sont engagés à contribuer à la reconstruction lors d’une conférence organisée à Paris en février dernier.
Les pays européens ont commencé par assouplir certaines sanctions, mais ils ont conditionné toute avancée supplémentaire à une évaluation des accomplissements du nouveau pouvoir syrien dans des domaines tels que la lutte contre «le terrorisme», le respect des droits humains et la protection des minorités.
Par Nader DURGHAM / AFP
Commentaires