
Donald Trump l’avait annoncé: sa visite dans les pays du Golfe serait historique. Il a tenu parole. Dès sa descente d’avion, les annonces se sont succédé.
D’abord, les chiffres. Ils donnent le vertige: des contrats signés pour 300 milliards de dollars dans l’industrie, la recherche, la défense, l’espace et même le nucléaire civil. «700 milliards d’autres dollars à venir», a précisé le prince héritier Mohammed ben Salmane. Même fontaine de contrats au Qatar et aux Émirats. Des sommes considérables, qui pourraient dépasser les 2.000 milliards de dollars, presque irréelles quand on se place à l’échelle du Liban, et qui ont fait dire au président américain que Riyad serait désormais l’un des grands centres d’affaires du monde.
La visite est également historique sur le plan politique. Donald Trump est en train de redessiner la géopolitique de la région. Il a annoncé la levée des sanctions contre la Syrie, acceptant même de rencontrer Ahmad el-Chareh une trentaine de minutes en l’invitant à établir des relations avec Israël. Il a montré son impatience face à l’Iran, avec lequel il continue de négocier, maniant carotte et bâton.
Le président américain veut accélérer l’Histoire et conforter les monarchies du Golfe dans leur rôle régional. Le sommet États-Unis - monarchies du Golfe, tenu ce mercredi, en est la consécration. Résultat: le centre stratégique du Moyen-Orient glisse définitivement vers le Golfe, désormais capable de dialoguer avec toutes les puissances et de peser sur tous les dossiers, de l’Ukraine à Gaza, dont le sort se négocie à Riyad et à Doha.
Des proches du président américain ont même évoqué un changement sémantique lourd de sens: le «golfe Persique» pourrait être renommé «golfe Arabique». Un acte symbolique qui consacrerait une affirmation identitaire, politique et civilisationnelle, portée par les grandes capitales arabes, tout en taclant l’Iran des mollahs.
Concernant le Liban, il a été clair: le pays est «victime du Hezbollah et de l’Iran, mais il a une chance unique de se libérer de leur emprise». Il se dit prêt à aider le pays à «construire une ère de prospérité et un avenir avec ses voisins», sans préciser de quels voisins il parlait. Mais tout le monde a compris.
Car l’autre volet de cette tournée, c’est la relance des accords d’Abraham. Donald Trump veut accélérer la normalisation entre les pays du Golfe, notamment l’Arabie saoudite, et Israël. Pour le moment, le Royaume conditionne la paix à la création d’un État palestinien. Cet écueil ne semble pas insurmontable pour Donald Trump, très convaincant dès lors qu’il souligne la puissance américaine.
Pendant ce temps, le Liban tente de ne pas être relégué au rang de spectateur impuissant. Sous l’impulsion de son président, Joseph Aoun, le pays a amorcé une reconnexion avec les capitales arabes. En visite dans plusieurs pays du Golfe, il a cherché – et réussi – à convaincre des investisseurs de s’engager pour la reconstruction du pays, répétant son engagement à désarmer toutes les milices.
Le chantier est immense, les blocages persistent, mais le Liban ne renonce pas à l’idée d’être une passerelle. Ni à celle d’avoir encore un rôle dans l’histoire qui s’écrit. Reste à savoir si le monde, lui, est encore prêt à l’écouter. Nous vivons assurément une sorte de Yalta régional.
Henry Kissinger disait: «Être un petit pays dans une région en recomposition, c’est être à la merci d’un accord auquel on n’est jamais invité, mais dont on subit tous les effets.» L’espoir fait vivre!
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