L’IA s’invite à Cannes, entre fiction et frissons
L’actrice française Anna Mouglalis, l’actrice britannique Freya Mavor, l’actrice belge Cécile de France, la chanteuse franco-canadienne Mylène Farmer et la scénariste française Tatiana de Rosnay arrivent pour la projection du film "Dalloway" lors de la 78e édition du Festival de Cannes, le 15 mai 2025. ©Bertrand GUAY / AFP

L’intelligence artificielle s’impose au cœur des débats au Festival de Cannes, entre fascination technologique et crainte pour la créativité. Des super-productions hollywoodiennes aux films d’auteur français, son influence s’étend aussi bien à l’écran qu’en coulisses.

Le boom de l'intelligence artificielle (IA) n'épargne pas le Festival de Cannes, où cette technologie est largement discutée dans les couloirs du Marché du film, même si elle effraie particulièrement certains scénaristes qui y voient une menace pour la créativité.

Signe de la puissance du concept, l'IA s'installe comme un super-méchant de choix dans les grosses productions américaines.

Dans Mission: Impossible - The Final Reckoning, hors compétition et au cinéma la semaine prochaine, Ethan Hunt (Tom Cruise) passe près de trois heures à combattre "l'Entité", une IA malfaisante et hors de contrôle dont le but est d'éradiquer l'humanité.

En séance de minuit, Dalloway du Français Yann Gozlan (en salles le 17 septembre) raconte l'histoire d'une romancière incapable d'écrire depuis six ans (Cécile de France), qui intègre une prestigieuse résidence d'artistes pour retrouver l'inspiration.

Pour écrire son livre, elle est assistée d'une IA générative (à laquelle la chanteuse française Mylène Farmer prête sa voix) de plus en plus envahissante, conduisant l'héroïne à questionner ses intentions.

Dans ce thriller psychologique, Yann Gozlan (Boîte noire) interroge l'impact de la technologie sur la création. «Est-ce que ça va être un outil qui va finalement un peu nous asservir et nous supplanter ? C’est une vraie angoisse», s’inquiète-t-il.

Économies 

Dans le film, «le personnage devient extrêmement accro à son IA et elle se retrouve dans une situation où, pratiquement, elle n'arrive plus à écrire sans Dalloway (le nom de l'IA)».

«Je sais qu'il y a des scénaristes qui utilisent ChatGPT comme des assistants», affirme Yann Gozlan, qui refuse de s'y résoudre.

«Quelque part, quand vous déléguez une tâche, à force de la déléguer, je pense que vous perdez la capacité de la faire», craint le réalisateur, qui anticipe une perte de la faculté d'écrire.

Déjà, dans les couloirs du plus grand marché du film du monde, des sociétés proposent différentes formes de services pour faire gagner temps et argent aux sociétés de production.

Pour Sami Arpa, cofondateur de la société Largo.ai, «l’IA va améliorer la créativité, c’est notre point de vue».

Son outil «analyse le contenu (des films), donne un aperçu des points forts, des points faibles. On analyse les personnages, on fait des propositions de casting, quel acteur conviendra le mieux à quel personnage et, ensuite, on fait des prédictions pour les résultats financiers attendus au box-office ou sur les plateformes de streaming», détaille-t-il.

L'IA permet de réduire le budget des productions, affirme le patron de la société, «ça permet aux gens de découvrir de nouveaux genres, différents formats, ça ouvre de nouveaux horizons».

L'humain au centre 

«C’est simplement un assistant qui accélère les choses (...) tout en mettant la créativité humaine au centre», dédramatise M. Arpa.

Largo.ai a plus de 600 clients en Europe et aux États-Unis, allant des studios aux producteurs en passant par les distributeurs, pour des productions pouvant aller jusqu'à 150 millions de dollars.

Lundi, le délégué général du Festival de Cannes, Thierry Frémaux, a tempéré les risques que fait peser l’IA sur la création.

«Sur les scénarios, sur la littérature, je ne suis pas sûr qu’il faille être très inquiet», a-t-il avancé.

«L’intelligence artificielle ne va pas inventer l’idée qu’un type goûte une madeleine et, hop, 500 pages derrière», s’est amusé Thierry Frémaux en référence à La Recherche du temps perdu de Marcel Proust.

«Donc il y a quand même encore de l’espoir, qui est un espoir donné aux créateurs», a-t-il souligné.

«Je viens d’une école française de la protection des auteurs, de l’exception culturelle, de la défense, quoi qu’il arrive, des auteurs», a rappelé celui qui dirige le plus grand festival de cinéma du monde depuis 2007.

Il a donc invité les géants de la tech à poser des limites à cette nouvelle technologie.

Par Antoine Guy / AFP

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