Préserver une parité mensongère…
©Ici Beyrouth

L’on ne tarit pas de fioritures pour enjoliver les faits. Certains musulmans modérés estiment qu’un quartier sans chrétiens est un quartier perdu. Ce à quoi des chrétiens font écho avec des expressions du genre: “Nous formons un front uni avec les sunnites pour un Beyrouth meilleur.”

Mais la réalité est claire, sans équivoque: les sunnites constituent, à eux seuls, la moitié de la population de la capitale – hormis les chiites et les druzes. Pourquoi devraient-ils sacrifier leur poids démographique au profit des chrétiens, qui ne représentent qu’un tiers de la population, dont seuls un quart votent – soit un quart du tiers – en échange de pleins pouvoirs au mohafez?

Les chrétiens considèrent que leurs droits spoliés s’étendent à la municipalité de Beyrouth où il n’est pas possible de réaménager un trottoir à Achrafieh sans en faire de même à Hamra.

Il s’agit, selon une personnalité avertie, qui commente les appels à l’abolition du confessionnalisme politique, d’une melting pot dont il n’est pas possible de se débarrasser, dans un pays où même les plats sont répartis sur une base communautaire: les petits fours aux chrétiens et le maamoul mad aux sunnites.

Deux options se profilent pour les municipales de Beyrouth dimanche: Soit une parité mensongère imposée de facto, soit une rupture avec la coutume. Une éventuelle rupture générerait une crise existentielle pour la composante chrétienne de la capitale.

Quelle que soit l’issue des municipales, le statu quo ne peut perdurer. Plus personne ne peut imposer à Beyrouth, qui regroupe les institutions de l’État, les grandes entreprises privées et la moitié de la population libanaise, d’être dotée d’un seul conseil municipal, alors que des villages de moins de 400 habitants disposent de leurs propres conseils municipaux. Les principes du développement équilibré et de la justice sociale n’admettent aucunement cette logique, pas plus que la loi d’ailleurs.

Toutes les propositions avancées pour régler cette problématique comportent des avantages et des inconvénients. Mais il est temps de briser le tabou du découpage municipal de Beyrouth et de ne pas l’associer à une partition du pays. N’était la guerre civile qui a divisé Beyrouth en quartiers Est et Ouest, cette notion ne serait même pas source d’effroi.

Beyrouth regorge de talents, d’initiatives et de projets. C’est la municipalité la plus riche du Liban, et pourtant elle reste une des zones les moins développées, les plus négligées. Preuve en est, ce sont les associations locales qui ont éclairé des rues avec des panneaux solaires, restauré les maisons endommagées par l’explosion du port et amélioré les conditions de vie dans les quartiers.

Instaurer la parité reviendrait à ajouter un chapitre de plus à l’hypocrisie nationale – comme les mascarades de nominations, de formations ou de désignations – en injectant encore plus de confessionnalisme dans le contexte du développement local, au lieu de l’en extirper.

Nulle honte à ce qu’Achrafieh ait sa propre municipalité, tout comme Mazraa. Nulle honte à ce que ces municipalités soient rassemblées dans une fédération de Beyrouth, avec un conseil central qui organise le développement entre les différentes composantes. Nulle honte non plus à ce qu’un quartier ait une majorité confessionnelle donnée.

Un musulman résidant à Achrafieh ne bénéficie-t-il pas du développement du quartier? Et un chrétien qui possède un bien à Ramlet el-Baïda ou près de l’Unesco n’est-il pas en droit de voir sa zone aménagée et bénéficier d’un potentiel de développement, au lieu d’être tributaire d’un conseil municipal où règne un dialogue de sourds?

Brisez le tabou. N’attendez pas six années de plus pour régler la question municipale de Beyrouth. Le développement local ne mérite pas de porter le poids de toutes les divisions du pays.

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