
Alors que le Liban lutte contre une crise agricole sans précédent, une vieille connaissance fait son grand retour: le «sunn pest». Cette petite bête, pourtant discrète, menace de ruiner la récolte de blé dans la vallée de la Békaa. Entre sécheresse, pénurie de main-d'œuvre et tensions frontalières, les agriculteurs se battent sur tous les fronts.
Comme si la sécheresse, la pénurie de main-d'œuvre et les tensions frontalières ne suffisaient pas, voilà que les agriculteurs libanais doivent composer avec un nouvel invité surprise (et non désiré): le «sunn pest».
Derrière ce nom presque ensoleillé se cache un véritable cauchemar pour les champs de blé: Eurygaster integriceps, alias la punaise du blé. Ce petit insecte de la famille des Scutelleridae s’attaque sans gêne aux tiges, aux feuilles et, surtout, aux précieux grains de blé. Résultat? Une moisson gâchée, avec des pertes pouvant grimper jusqu’à 90% de la récolte. Rien que ça!
Le «sunn pest» ne fait pas les choses à moitié: il pointe le bout de ses antennes dès le début du mois de mai et reste à table jusqu’à la mi-juin, au moment de la maturation des épis. Sa prolifération adore la chaleur et l’air sec, autant dire que le climat libanais lui déroule littéralement le tapis rouge.
Une récolte déjà en difficulté
Ce parasite vient se greffer à une production de blé ayant chuté de 34% en 2024, par rapport à la moyenne quinquennale, atteignant environ 120.000 tonnes, selon les chiffres du ministère de l’Agriculture. Cette chute serait due aux conditions climatiques défavorables telles que la sécheresse printanière, une vague de chaleur en mai et une épidémie de rouille jaune.
Cette situation a conduit à un retard dans les semis de 2025, avec des prévisions de récolte encore plus faibles. Les besoins en importations de blé pour 2024/25 sont estimés à 670.000 tonnes, soit environ 4% au-dessus de la moyenne, conséquence de la baisse de la production locale.
Les agriculteurs libanais font face à une combinaison de défis: conditions climatiques extrêmes, infestations récurrentes et ressources limitées. Les tensions frontalières et les pénuries de main-d'œuvre compliquent davantage la situation. Le président de l’association des agriculteurs de la Békaa, Ibrahim Tarchichi, a appelé à «une réponse collective et rapide pour lutter contre le sunn pest».
Une intervention attendue
De son côté, le ministre de l'Agriculture, Nizar Hani, a assuré à Ici Beyrouth que la situation est suivie de très près par son ministère. Il a précisé que des équipes techniques se sont rendues, samedi dernier, dans la Békaa pour évaluer l’étendue de l’infestation et que la situation était alors encore sous contrôle.
Toutefois, explique-t-il, «avant toute intervention chimique, une condition scientifique doit être remplie: la présence d’au moins 3 à 4 insectes par mètre carré». En effet, «le pesticide prévu est particulièrement puissant, ce qui impose une utilisation ciblée et strictement encadrée», selon lui.
M. Hani a souligné que l’intervention ne sera déclenchée que si ces critères sont réunis, insistant sur l’importance de traitements «ciblés et appropriés». Des stocks de pesticides sont attendus cette semaine, et l’armée est déjà en alerte pour prêter main forte si nécessaire. La pulvérisation, a-t-il rappelé, se fera par hélicoptère afin de garantir une couverture rapide et uniforme des zones affectées.
Le ministre se veut rassurant: la situation est sous contrôle, mais si les températures continuent de grimper, le risque de prolifération du parasite augmentera également.
Face à cette menace, les agriculteurs libanais espèrent une mobilisation rapide pour protéger ce qui reste de la récolte de blé. Bref, une invasion qui menace directement le pain quotidien.
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