
Cinq ans après l'explosion qui a ravagé la capitale, où en est le port de Beyrouth? Alors que la Syrie redevient un pôle d'attraction pour les investissements internationaux, le Liban risque de perdre sa place stratégique dans le commerce régional. Le port peut-il encore jouer sa carte? Est-il prêt à affronter la concurrence?
Le paysage portuaire du Levant est en pleine mutation. Depuis la levée des sanctions occidentales contre la Syrie, les investisseurs se pressent à ses portes. DP World, un mastodonte émirati de la logistique maritime, déploie un plan d'investissement de 800 millions de dollars pour remettre à niveau le port de Tartous. De son côté, CMA CGM mise 262 millions de dollars dans le développement de Lattaquié, tandis que la Chine renforce sa présence dans les zones franches syriennes.
Face à ce ballet de capitaux et à la redynamisation de Damas, le Liban joue gros. D'autant que la relance de l'État tarde, et que les flux financiers comme les soutiens internationaux semblent prendre le chemin de la Syrie. Le port de Beyrouth est-il en passe d'être relégué au second plan?
Port de Beyrouth, des cartes maîtresses en main
Pas si vite. Beyrouth conserve des cartes maîtresses. Son quai n° 16 affiche une profondeur de 16 mètres, une rareté précieuse dans la région, et sa situation géographique reste stratégique. En tête de ses atouts: une proximité directe avec la Syrie, mais aussi des accords de transport déjà actifs avec des voisins clés comme l'Irak et la Jordanie.
Alors que les travaux de reconstruction en Syrie s'annoncent massifs, les infrastructures locales pourraient rapidement atteindre leurs limites. Le port de Beyrouth pourrait alors s'imposer comme une solution logistique supplémentaire incontournable pour désengorger Tartous et Lattaquié, et jouer un rôle de plaque tournante pour les flux régionaux.
Le partenariat avec CMA CGM ne cesse d'ailleurs de gagner en puissance. Depuis trois ans, la société française pilote la maintenance du port, avec un résultat tangible: le terminal à conteneurs affiche complet. Sa capacité pourra être augmentée si de nouvelles routes maritimes s'ouvrent.
En matière de sécurité, le port passe à la vitesse supérieure. Un scanner de contrôle des conteneurs, bloqué depuis un an et demi, entre enfin en service. Financé par CMA CGM contre une part de 25 à 30% des revenus douaniers générés, cet équipement sera généralisé au port de Tripoli et aux autres points d'entrée. Tous les conteneurs, à l'import comme à l'export, seront dorénavant inspectés.
Port de Beyrouth: un record de 100.000 conteneurs en juillet
En juillet, le port de Beyrouth a battu un record en traitant près de 100.000 conteneurs EVP (équivalent vingt pieds), soit une hausse de 39% par rapport à la même période l'an dernier, selon un communiqué de l'administration portuaire. Il s'agit du plus haut niveau d'activité enregistré depuis 2019, confirmant le retour en force du port sur la scène maritime de l'Est méditerranéen.
Derrière cette performance, on trouve une volonté affirmée de réinventer le port, au-delà de la simple reconstruction post-explosion. Pour son PDG et directeur général, Omar Itani, il ne s'agit pas de réhabiliter ce qui a été détruit le 4 août 2020, mais de redéfinir le rôle du port au sein d'un écosystème économique maritime élargi. Un plan directeur, élaboré avec des experts français, a été finalisé et les cahiers des charges sont prêts en vue du lancement d'un appel d'offres. Ce plan vise à façonner l'identité du port pour la décennie à venir.
Aujourd'hui, après le déblaiement des décombres, le port tourne à plein régime. Depuis 2022, tous les services opérationnels ont repris, qu'il s'agisse du transbordement, du fret général ou encore du stockage et de la manutention des céréales.
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