La loi ou la rue: les enseignants mettent la pression
©Ici Beyrouth

Le 17 avril dernier, le président de la République, Joseph Aoun, a saisi le Conseil constitutionnel de deux recours. Le premier vise la loi relative aux loyers des locaux non résidentiels et le second, la loi modifiant certaines dispositions du texte organisant le corps enseignant dans les écoles privées, ainsi que les budgets scolaires. Ces deux textes avaient été publiés au Journal officiel le 3 avril 2025.

À l’époque, la présidence de la République avait précisé que ces recours visaient à clarifier certaines dispositions afin d’en faciliter l’application au bénéfice de toutes les parties concernées.

Mardi dernier, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision n°5, relative à la loi sur les loyers, et sa décision n°4 sur celle concernant le secteur éducatif privé.

Dans les deux cas, il conclut que les lois ne sont pas exécutoires, faute de respect des procédures d’adoption. Il estime notamment que le délai d’un mois accordé au chef de l’État pour promulguer les deux textes n’était pas écoulé, ce qui rend leur publication contraire à l’article 57 de la Constitution. Le texte en question stipule ce qui suit: «Dans le délai fixé pour la promulgation, le président de la République peut, après avoir informé le Conseil des ministres, demander une seule fois une nouvelle délibération sur la loi qui ne peut lui être refusée. Quand le président use de ce droit, il n’est tenu de promulguer une loi que si cette loi a été votée à la Chambre en seconde délibération, par la majorité absolue des membres composant légalement cette Assemblée. Au cas où le délai est expiré sans que la loi soit promulguée ou renvoyée, elle est considérée exécutoire de plein droit et doit être publiée».

La loi relative aux enseignants du secteur privé prévoit une hausse des pensions de retraite, multipliées par six. Elle avait été votée par le Parlement après avoir été approuvée par le gouvernement d’expédition des affaires courantes de Najib Mikati, en l’absence d’un président de la République. Le texte a été publié au JO alors qu’il ne porte pas la signature du chef de l’État. Le problème est donc d’ordre procédural.

Patrick Rizkallah, membre du conseil exécutif du syndicat des enseignants, dénonce une situation devenue intenable. Selon lui, il est inadmissible que quelque cinq mille professeurs retraités perçoivent des pensions mensuelles de 20 à 30 dollars, après une vie entière consacrée à l’éducation.

Il s’indigne également du fait qu’un enseignant, au terme de trente ans de carrière, ne touche pas plus d’un millier de dollars en indemnités de fin de service. Une réalité qu’il juge d’autant plus inacceptable que les enseignants ont, durant les cinq dernières années, exercé leur métier avec des salaires quasi symboliques.

Le syndicat exige la régularisation de la procédure législative et la publication à nouveau de la loi dans le Journal officiel afin de permettre son application. Cette demande s’inscrit dans la continuité des amendements adoptés par le Parlement, avec l’accord du syndicat et de l’Union des établissements scolaires privés.

Selon Patrick Rizkallah, il est inadmissible que les enseignants, qu’ils soient en poste ou à la retraite, soient les victimes de désaccords entre les institutions constitutionnelles. Il est tout aussi intolérable, note-t-il, que des professeurs retraités, réduits à la misère, paient le prix de ces querelles après avoir exercé leur métier pendant cinq ans dans des conditions précaires. Faute de réponse rapide, le syndicat avertit qu’il n’exclut pas de descendre dans la rue.

Cette semaine, une délégation syndicale s’est rendue auprès de la ministre de l’Éducation, Rima Karamé, pour discuter à la fois de la décision du Conseil constitutionnel et du versement des 650 milliards de livres libanaises votées par le Parlement. Le syndicat a demandé à la ministre d’intervenir auprès du ministre des Finances, Yassine Jaber, pour garantir que cette somme soit versée à la Caisse de retraite des enseignants. Il a aussi réclamé une revalorisation pour les titulaires de licences en éducation qui assurent des matières du nouveau programme, comme l’économie ou l’informatique.

Parmi les autres revendications figure la demande de dissocier les horaires des garderies de ceux de l’école et d’inclure les heures assurées par les enseignants des garderies dans le calcul de leur volume horaire officiel au niveau primaire.

Selon les informations obtenues, le secrétariat général du Conseil des ministres devrait transmettre à la direction générale de la présidence de la République un courrier accompagné des deux lois, afin qu’elles soient promulguées à nouveau. Une fois cette étape franchie, leur publication au Journal officiel relancerait le délai d’un mois pour déposer d’éventuels recours devant le Conseil constitutionnel qui pourra cette fois se prononcer sur le fond.

À noter que la loi modifiant le mécanisme de financement du Fonds de compensation a, elle, déjà été publiée au Journal officiel, le 21 mai 2025. Cette publication soulève une nouvelle interrogation sur la validité de ses dispositions puisqu’elle modifie un texte que le Conseil vient tout juste de déclarer non exécutoire.

 

 

Commentaires
  • Aucun commentaire