Soudan : 70 morts du choléra à Khartoum, les paramilitaires revendiquent des avancées au Kordofan
Alors que les FSR renforcent leur emprise sur l’ouest du Soudan, une flambée de choléra frappe la capitale Khartoum, exacerbant la crise humanitaire dans un pays ravagé par la guerre civile. ©Ebrahim Hamid / AFP

Les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) ont revendiqué jeudi la reprise de deux villes stratégiques de la région du Kordofan, dans l'ouest du Soudan, pays en guerre frappé par une violente épidémie de choléra qui a fait 70 morts en deux jours.

Selon un communiqué publié jeudi, les paramilitaires ont annoncé avoir repris successivement les villes de Dibeibat, dans l'État du Sud-Kordofan, puis d'al-Khoei, première localité de l'État du Kordofan-Ouest.

«La reprise successive de Dibeibat et d'al-Khoei ne constitue pas seulement une victoire sur le terrain, mais affirme le contrôle quasi-total des FSR sur la majeure partie de la région du Kordofan», a déclaré le porte-parole des FSR.

Les paramilitaires bombardent El-Obeid, des hôpitaux touchés

Les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) ont aussi bombardé vendredi El-Obeid, dans le sud du Soudan, touchant deux hôpitaux et des quartiers résidentiels, ont rapporté une source de l’armée et des témoins.
«La milice a attaqué des zones résidentielles dans la ville avec de l’artillerie lourde», a précisé à l’AFP une source de l’armée, ajoutant que l’hôpital de l’Assurance sociale et celui de l’armée avaient été frappés.

Le troisième plus vaste pays d'Afrique est déchiré depuis avril 2023 par une guerre pour le pouvoir que se livrent le général Abdel Fattah al-Burhane, chef de l'armée et dirigeant de facto du pays depuis un coup d'Êtat en 2021, et son ancien bras droit, Mohamed Hamdane Daglo, commandant des FSR.

Al-Khoei, située à une centaine de kilomètres d'el-Obeid – un carrefour stratégique entre Khartoum et le Darfour – a été brièvement reprise par l'armée il y a une dizaine de jours, avant de tomber de nouveau jeudi entre les mains des paramilitaires.

Plus tôt dans la journée, les FSR avaient annoncé avoir conquis Dibeibat, ville-clé reliant les États du Kordofan-Nord et du Kordofan-Sud. Des témoins sur place ont confirmé à l'AFP que la localité était désormais sous leur contrôle.

Alors que le conflit est entré dans sa troisième année, le pays reste de facto divisé en deux: l'armée contrôle le centre, l'est et le nord, tandis que les paramilitaires tiennent la quasi-totalité du Darfour et certaines parties du sud.

La guerre a fait des dizaines de milliers de morts, déplacé 13 millions de personnes et provoqué ce que l'ONU a décrit comme «la pire crise humanitaire» en cours dans le monde.

Le 22 mai, le Département d'État américain a accusé Khartoum d'avoir utilisé des armes chimiques en 2024, sans préciser le lieu ni les circonstances de leur emploi.

Le ministère soudanais des Affaires étrangères a annoncé jeudi la formation d'un comité national d'enquête, tout en rejetant à nouveau ces accusations, affirmant agir «dans le respect de ses engagements internationaux, notamment la Convention sur l'interdiction des armes chimiques (CIAC)», ratifiée en 1999.

Choléra 

La semaine dernière, l'armée soudanaise annonçait avoir achevé la reconquête de l'ensemble de l'Etat de Khartoum – qui comprend la capitale et ses alentours – après avoir chassé les FSR de leurs dernières positions dans l'agglomération.

Mais la capitale fait désormais face à une urgence sanitaire majeure: une flambée de choléra qui a déjà causé 70 décès en deux jours, selon le ministère soudanais de la Santé.

Dans un communiqué, le ministère comptabilise 942 nouvelles infections et 25 morts pour la journée de mercredi, après 1.177 nouveaux cas et 45 morts mardi.

L'épidémie intervient après des semaines de frappes de drones attribuées aux FSR qui ont mis hors service l'approvisionnement en eau et en électricité de la capitale.

Mardi, le ministère de la Santé avait déjà signalé une forte recrudescence du choléra, avec 2.729 cas et 172 décès enregistrés en une semaine, l'État de Khartoum concentrant 90% des nouvelles infections.

Les autorités estiment néanmoins que 89% des patients, placés à l'isolement, sont en cours de rétablissement, tout en s'inquiétant du manque d'accès à de l'eau propre, qui favorise l'épidémie, selon l'OMS.

La crainte d'un bilan plus lourd 

Les campagnes de vaccination ont débuté mardi dans la localité de Jebel Awlia, au sud de Khartoum, selon le porte-parole du secrétaire général de l'ONU, Stéphane Dujarric.

«L'Organisation mondiale de la Santé a également livré plus de 22 tonnes métriques de fournitures de santé d'urgence et contre le choléra pour répondre aux efforts locaux», a-t-il dit.

Selon l'Unicef, l'agence des Nations unies pour l'enfance, plus d'un million d'enfants risquent de contracter le choléra à travers l'État de Khartoum.

Ce seul État a enregistré depuis le début de l'année plus de 7.700 cas, dont 1.000 enfants de moins de cinq ans, et 185 morts.

Mais le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha) redoute un bilan réel plus lourd.

L'agence onusienne a fait part jeudi de «préoccupations concernant des écarts significatifs dans les données officielles, rendant difficile l'évaluation de l'ampleur réelle de l'épidémie».

Un chiffre qui continue, selon le bureau de l'ONU, de grimper.

«Veille d'un désastre» 

«Le Soudan est à la veille d'un désastre de santé publique de grande ampleur», estime Eatizaz Yousif, directeur pour le Soudan de l'ONG International Rescue Committee (IRC).

Depuis août 2024, les autorités sanitaires ont comptabilisé plus de 65.000 cas de choléra et plus de 1.700 morts dans 12 des 18 États du Soudan.

La propagation de la maladie risque encore d'empirer avec la saison des pluies qui débute en juin et entrave l'aide humanitaire.

Cette infection intestinale aiguë se propage par le biais d'aliments et d'eau contaminés par la bactérie vibrio cholerae, souvent à partir de matières fécales. Elle peut entraîner la mort en quelques heures en l'absence de traitement.

Avec AFP

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