
À Johannesburg en Afrique du Sud, le studio Soweto's Finest attire les fans d'amapiano du monde entier. Une danse, un son, un phénomène global. Porté par des artistes comme Uncle Waffles et Tyla, ce son né dans les townships explose sur les scènes internationales et dans les studios de danse.
À Newtown, cœur battant de la culture à Johannesburg, les murs du studio de danse Soweto's Finest vibrent au rythme de l'amapiano. On y vient du monde entier apprendre des pas depuis que ce son sud-africain a traversé les frontières grâce aux réseaux sociaux.
Le claquement des sneakers y résonne sur fond de log drum distinctif. A la fois basse et percussion, l'instrument couplé aux synthés hallucinés rend ce sous-genre de la house reconnaissable entre mille.
«L'amapiano, ce n'est pas une question de mots, mais de sensations», livre Venus Chidinma, 25 ans. Cette danseuse professionnelle à New York s'est infligée les longues heures de vol pour se former dans ce studio des semaines durant.
«Peu importe d'où on vient, peu importe sa couleur, on le sent, il n'y a qu'à bouger. Ça vous prend de l'intérieur», décrit cette diplômée d'Harvard.
Elle est loin d'être la seule envoutée. Cette house trainante, déclinée du kwaito --hip hop sud-africain des années 1990 - a conquis le monde, à commencer par sa compatriote "Queen B". Lors de sa tournée mondiale en 2023, Beyoncé a repris un des hits d'une star du genre Uncle Waffles, aux paroles en langue swati.
Sur le parquet, aux côtés de la professionnelle Venus Chidinma, s'essaient aussi des danseurs plutôt clubbeurs, aimantés par les divers tutoriels d'amapiano et autres défis ayant déferlé sur TikTok.
«Son authenticité et caractère très sud-africain rend cette danse unique», explique Thando Nhlapho, 21 ans, danseuse professionnelle et chorégraphe dans ce studio emblématique.
Niché à deux pas du Market Theatre, scène illustre de la résistance culturelle contre l'apartheid, il est implanté dans la rue Miriam Makeba, légendaire chanteuse sud-africaine, et baigne dans l'effervescence culturelle de Johannesburg.
«Je ne danse pas seulement l'amapiano, mais c'est une stratégie marketing maintenant que c'est à la mode et le truc branché dans le monde entier», reconnaît-elle auprès de l'AFP.
Née dans les townships il y a une quinzaine d'années, cette house a séduit les Etats-Unis. Uncle Waffles a mixé sur la scène principale du célébrissime festival Coachella en 2023 et la star sud-africaine Tyla a reçu un Grammy dans la mal nommée catégorie "Afrobeats" l'an passé.
«En Zambie, on danse et on chante même si on ne comprend pas les paroles», relate Emmanuel Mwenya, 25 ans, chorégraphe venu de Lusaka. L'amapiano est «devenu un langage mondial», d'après lui.
Influence des danses traditionnelles
Il est venu passer une semaine en Afrique du Sud pour s'immerger dans le genre à la source, là où les mouvements sont nés, «pour apprendre quelque chose d'original».
Genre musical hybride, sa danse l'est tout autant. Au-delà des emprunts à des pas de hip hop mondialisés, on peut y déceler l'influence du pantsula.
Cette danse contestataire, née dans les townships lors des années 1970, est faite de tapements de pieds et jeu de jambe caractéristiques rappelant les danses traditionnelles batswana et xhosa.
La grande théâtralité des gestes de l'amapiano évoque aussi celle des danses zoulou.
Cet esprit de brassage et d'inclusion se reflète sur les réseaux sociaux, où des personnes de tous âges, de toutes origines et de toutes cultures s'unissent dans des défis de danse, comme le "Tshwala Bami" sur TikTok, relevé par la star américaine Jason Derulo l'an passé.
«Ma mère a 46 ans et même à son âge, je lui apprends des défis de danse sur TikTok», raconte Snethemba Mathe, une Sud-Africaine de 21 ans.
Parmi les autres élèves, Xiaoying Zhan, 30 ans, a emmené avec elle au studio trois amies venues lui rendre visite de Chine.
Installé en Afrique du Sud, elle a découvert le rythme de l'amapiano lors du confinement causé par la pandémie de Covid-19. «J'ai pris goût à la musique et je me suis mise à la danser», explique-t-elle.
Sur Spotify, l'amapiano a dépassé 1,4 milliard d'écoutes pour l'année 2023, d'après la plate-forme de streaming.
Rien de tel que cette hypnotisante house sud-africaine pour accumuler les vues, parole de professionnelle: «Chaque fois que quelqu'un créée une danse, elle devient virale», assure Venus Chidinma, la danseuse new-yorkaise qui publie elle-même des vidéos de mouvement sur ses réseaux sociaux. «L'amapiano est un son sur lequel il est tellement facile de vibrer.»
Par Abdul Salim NKOSI / AFP
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