Lie-Ban, un projet pédagogique pour former les citoyens de demain
©Ici Beyrouth

Et si le redressement du Liban commençait par l’éducation de ses enfants? Former des citoyens responsables et engagés, c’est garantir un avenir solide à un pays. Mais comment préparer les jeunes générations à devenir les bâtisseurs du Liban de demain? Lie-Ban apporte une réponse concrète à cette question. Ce projet pédagogique, qui s’est clôturé, mercredi, à l’Institut libanais d’éducateurs (ILE) de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (USJ), a mis l’éducation au cœur de la reconstruction sociale.

Il s’agit d’une initiative pédagogique ambitieuse destinée à sensibiliser les jeunes générations aux valeurs citoyennes fondamentales et à les engager à être acteurs de leur apprentissage. Lie-Ban a notamment proposé une approche interdisciplinaire qui a intégré l’apprentissage de trois valeurs fondamentales de la citoyenneté:

  • Le civisme: respecter les lois et règles, et connaître ses droits et devoirs.
  • La civilité: respecter les autres, les espaces et les biens publics.
  • La solidarité: développer un sens des obligations politiques, sociales et morales.

Un projet structuré en deux phases

Lancée en 2022, la première phase du projet, qui est intégré dans le cursus scolaire, s’est déroulée entre novembre 2022 et mai 2023 avec une sélection de trois établissements scolaires et une chorale: l’école Zahrat el-Ihsan, le Collège Notre Dame des Frères-Furn el-Chebbak, le Collège Melkart et la chorale Anqoud.

La seconde phase s’est déroulée de septembre 2023 à mars 2025, avec l’adhésion de nouvelles écoles et institutions. Dans un entretien accordé à Ici Beyrouth, Rock el-Achy, directeur de l’ILE, explique que cette initiative a permis de rassembler 24 établissements scolaires, deux institutions spécialisées accueillant des enfants à besoins spéciaux, ainsi qu’une chorale, fédérant ainsi les participants autour d’un thème central: la citoyenneté.

«Ce projet a permis de dépasser les fragmentations habituelles et de replacer la citoyenneté au cœur des échanges éducatifs», affirme M. Achy. «Nous avons voulu réfléchir à ce que chacun considère comme l’essence de la citoyenneté et produire des outils pédagogiques qui puissent être utilisés dans les écoles de manière durable», précise-t-il.

Au-delà du contenu éducatif, M. Achy insiste sur le fait que le projet a également donné aux élèves «une dimension concrète de leur rôle dans la société, puisque la citoyenneté se construit à l’échelle individuelle et au quotidien», poursuit-il. «Lie-Ban a montré aux jeunes que chaque action, même dans leur environnement immédiat, peut contribuer à bâtir une société plus juste et solidaire», a-t-il conclu.

Des outils pédagogiques créés par les élèves

À travers Lie-Ban, l’ILE a misé sur une pédagogie participative et immersive: les élèves sont les propres acteurs de leur apprentissage. Formation sur le terrain, travail collaboratif et interdisciplinarité étaient les piliers de cette initiative. Les enseignants et futurs éducateurs y ont participé activement, adaptant leurs méthodes pour répondre aux défis actuels du pays.

Les axes abordés étaient variés: traditions et légendes, figures historiques et personnalités marquantes, droits et devoirs citoyens, histoire et géographie du Liban, ainsi que des thématiques artistiques et environnementales. Des outils pédagogiques innovants ont été développés, dont des jeux éducatifs, mettant en lumière les coutumes libanaises et les récits populaires, à l’instar du jeu «Sama et la pomme» qui a permis de découvrir les traditions libanaises à travers une approche ludique.  

En plus des jeux, les élèves ont produit des brochures touristiques, des affiches de sensibilisation et des cartes éducatives, diffusées auprès des écoles partenaires pour partager les connaissances acquises. Pour accompagner cette démarche, deux mascottes, Sama et Karim, ont été créées, représentant les aspirations des jeunes et facilitant leur immersion dans les thèmes abordés.

Ils ont été sensibilisés aux notions de droits et devoirs pour renforcer leur responsabilité sociale. L’histoire et la géographie ont été intégrées sous forme d’explorations des différentes régions du Liban. La littérature et l’art leur ont permis d’exprimer et de transmettre l’héritage culturel du pays, tandis que les projets sur l’environnement les ont conduits à réfléchir aux enjeux écologiques, aux défis futurs à ce niveau et à l’importance de la préservation de la biodiversité.

Un projet éducatif qui rapproche les élèves de leur culture

Chaque école a choisi des figures marquantes du pays et organisé des visites de sites emblématiques pour donner aux élèves un contact direct avec leur patrimoine. L’objectif était d’encourager ces jeunes à mieux comprendre leur environnement culturel afin de renforcer leur sentiment d’appartenance et, à terme, leur engagement envers la préservation de leur pays.

Au Collège oriental basilien-Zahlé, les élèves ont travaillé sur divers axes majeurs. Des élèves âgés de 12 ans relatent à Ici Beyrouth les expériences qui les ont enchantés. «Nous avons visité plusieurs caves à vin, notamment celles de Ksara, où nous avons appris les techniques de culture du vignoble et les étapes de fabrication du vin», raconte Rita Jreige, soulignant l'importance de cette industrie à Zahlé. Laiticia Ghreyfe insiste pour sa part sur l’impact du projet: «Cela nous a aidés à nous rapprocher de notre culture et de notre pays. Nous avons construit des maquettes pour mieux comprendre le processus de vinification, et nous nous sommes sentis vraiment impliqués». «Nous avons exploré la région de Niha et ses terres fertiles, essentielles à la culture des vignobles», souligne Gady Khatib.

L’expérience ne s’est pas limitée à l’histoire du vin. «Nous avons étudié la dabké, son évolution au fil du temps et son rapport au Liban. Nous avons interviewé des personnes influentes dans le domaine et découvert des traditions oubliées», indique Maritta al-Ahmar

Au Collège de la Sagesse, section Saint-Jean-Brasilia, les élèves se sont familiarisés avec les proverbes transmis de génération en génération. Théo Abikhalil, 13 ans, explique: «J’ai appris à mieux communiquer avec mes émotions et découvert des expressions que nos grands-parents utilisaient. Cela m’a aussi permis de mieux comprendre comment était le Liban avant la guerre». Pour Mira Estefan, 12 ans, cette immersion dans les traditions a eu un impact fort: «Ce projet nous a rapprochés des coutumes de nos aînés, avant que la guerre ne transforme le pays». Refaat Shokor, 13 ans, souligne quant à lui le rôle de la transmission: «C’était fascinant d’en apprendre plus sur notre culture, et surtout de voir que nous avons la responsabilité de perpétuer ces traditions pour les générations futures».

Des partenaires engagés pour l’avenir de l’éducation

Le projet bénéficie du soutien de plusieurs partenaires institutionnels, dont l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et la Fondation Haddad, qui ont permis de financer les outils éducatifs et d’assurer la continuité du programme dans les écoles participantes. Ces collaborations permettent de garantir la pérennité et l’évolution du programme, en le reliant aux Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies, notamment en matière d’éducation de qualité, de bien-être et d’égalité des sexes.

Vers une génération engagée pour un Liban uni

Lors de la cérémonie de clôture, une table ronde a réuni plusieurs intervenants, notamment les professeurs Nada Moghaizel Nasr, Fadi el-Hage et Christian Taoutel, autour des thématiques de l’éducation à la citoyenneté, du développement durable et de l’histoire et du patrimoine. Les échanges ont mis en lumière l’importance de construire une histoire commune pour le pays, afin de renforcer une identité nationale unifiée. L’un des points essentiels discutés a été la nécessité d’intégrer une séance dédiée au patrimoine dans le curriculum éducatif libanais. Le patrimoine étant différent de l’histoire, bien qu’il en fasse partie intégrante. Il s’agit d’étudier l’héritage culturel et les menaces qui pèsent sur les sites historiques en vue de leur préservation. Le patrimoine, c’est aussi préserver la mémoire collective, afin que les générations futures ne perdent pas le lien avec leur histoire.

L’éducation à l’environnement et au développement durable a également occupé une place centrale. Il a été souligné que le système éducatif libanais souffre de limites structurelles, avec une intégration fragmentée et inégale de ces notions dans les programmes scolaires. À ce jour, il n’existe pas encore de politique nationale cohérente permettant une approche systémique du développement durable dans l’éducation.  

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