
À Kisumu, au Kenya, le East Africa Plus Size Fashion Affair célèbre depuis neuf ans les femmes rondes. Ce rendez-vous annuel promeut la beauté africaine et l’acceptation de soi, face aux diktats imposés par les médias.
En robe en tissu wax, tenue de soirée près du corps, parfois affriolantes, une dizaine de modèles "grandes tailles" ont défilé sur un podium à Kisumu, dans l’ouest du Kenya, lors d’un événement destiné à rendre grâce à leur beauté.
Démarré il y a neuf ans, l’East Africa Plus Size Fashion Affair est, selon sa fondatrice Winnie Wenga Walcott, la seule manifestation du genre à se tenir chaque année au Kenya, où, comme en Ouganda et en Tanzanie voisins, «les femmes sont majoritairement très corpulentes».
Mais l’image féminine renvoyée par les médias et «la société veut que nous ayons une apparence particulière», plus fine, ce qui «affecte vraiment l’estime de soi» des femmes rondes, regrette-t-elle.
Devant trois cents spectateurs hurlant de plaisir, une dizaine de mannequins amatrices ont donc ce week-end tantôt marché, parfois esquissé quelques pas de danse. Et surtout beaucoup souri.
Telle Oprah Odhiambo, une entrepreneure kényane, qui veut montrer que «les grandes tailles peuvent faire la même chose que les plus fines».
Beauté africaine
«Il y a des femmes fortes qui se cachent parce qu’elles ont peur qu’on se moque de leur corps. J’espère que (le défilé) leur parlera (…) et que quand elles me verront, elles se demanderont pourquoi elles se terrent», lance-t-elle.
Chanteuse et mannequin, Rosemary Odire, nom d’artiste Nyakusa Nyamama, raconte les quolibets quand elle se produit, «les gens qui font genre: Oh toi, grosse maman, qu’est-ce que tu vas faire là, tu ne peux pas danser, descends de scène+. (…) Et je me demande : +Pourquoi me jugent-ils?»
«Je suis là, tonne-t-elle. J’incarne la beauté africaine, pas une autre beauté, pas la beauté des femmes rondes, mais la beauté africaine en moi», lance Mme Odire, qui sur le podium a ondulé des hanches dans une jupe léopard fendue et un petit haut marron.
Venues des différentes franges de la société kényane, plus ou moins aisées, salariées ou femmes au foyer, les néo-mannequins n’avaient pas ce niveau de confiance quand elles ont commencé à s’entraîner en mars.
«Elles étaient timides vis-à-vis de leur corps», se souvient l’organisatrice Winnie Wenga Walcott, qui pointe la «très grande différence» avec leur attitude aujourd’hui, bien plus assurée.
L’une d’entre elles, qui défilait dans la tenue de son choix, a choisi un bikini noir savamment masqué par des dizaines de pailles blanches.
Big is beautiful
Selon la fondation World Obesity, 27,5 % des adultes kényanes étaient en surpoids et 17,3 % étaient obèses en 2022, un chiffre en nette augmentation par rapport à 2015 (respectivement 24,9 % et 13,7 %).
Les hommes kényans sont à l’inverse moins affectés par les kilos en trop, avec moins de 19 % d’entre eux en surpoids ou obèses en 2022.
Le défilé de Kisumu traite «des questions de santé», mais aussi «d’accepter les femmes corpulentes» et de «célébrer leur apparence en mariant cela avec l’aspect mode à cause de la difficulté qu’elles ont à trouver des vêtements» à leur taille, estime Winnie Wenga Walcott.
Première gagnante de ces défilés, sa mère, pour qui Mme Walcott raconte avoir à l’origine créé cette manifestation «pour qu’elle se trouve magnifique».
«Vous voyez comme je suis épaisse. Je détestais vraiment mon corps», se remémore celle-ci, Seline Aoko.
«J’aurais pu être déprimée, dérangée mentalement, mais maintenant, je me sens bien», se réjouit-elle, tout en vendant des fruits sur son étal d’un marché de Kisumu. Et d’ajouter, fière : «Big is beautiful!»
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