Peau dorée, corps en danger: les dessous nutritionnels et esthétiques du bronzage
Le soleil, répète-t-on en dermatologie, est le premier accélérateur de l’âge cutané. ©Shutterstock

Synonyme d’éclat et de santé, le bronzage reste un idéal esthétique puissant. Mais cette quête du hâle parfait peut abîmer la peau en profondeur. Entre nutrition, biologie et mirages beauté, enquête sur une obsession estivale aux effets souvent durables.

Le soleil, comme le sucre, a un double visage. Il dorlote la peau, puis la marque. En été, le bronzage devient un rite silencieux, poursuivi sur les plages, entretenu sur Instagram, alimenté par une industrie cosmétique et nutritionnelle florissante. Mais ce culte du teint doré repose sur une équation trompeuse, celle qui lie éclat et santé, hâle et beauté. Car si le bronzage est perçu comme un signe de vitalité, il résulte en réalité d’une agression cutanée. Et ni les crèmes teintées, ni les cocktails de carottes, ni les gélules «solaires» ne suffisent à en effacer les effets biologiques durables.

La mélanine, pigment protecteur naturel, colore la peau pour tenter de la défendre face aux UVB. C’est une réaction de survie, pas un embellissement. Lors de l’exposition, la peau produit aussi des radicaux libres, molécules instables responsables du vieillissement prématuré, de l’altération du collagène, de la perte d’élasticité. Cette réalité contredit l’idée que «bronzé égale bonne mine». À court terme, le teint est plus uniforme, les imperfections semblent floutées. Mais à long terme, rides, taches pigmentaires, relâchement et sécheresse apparaissent plus tôt. Le soleil, répète-t-on en dermatologie, est le premier accélérateur de l’âge cutané.

Ce que votre peau mange… et ce qu’elle paie

C’est dans ce contexte qu’est né le mythe de l’assiette qui protège, alimenté par la promesse d’un bronzage «naturellement sublimé». L’idée semble séduisante: préparer sa peau de l’intérieur. Et sur ce point, les antioxydants jouent bien un rôle. Le bêta-carotène (carottes, patates douces, mangue), en s’accumulant dans la couche cornée, donne à la peau un reflet orangé qui accentue le hâle et pourrait atténuer les effets du stress oxydatif. Mais attention: seul un apport alimentaire est recommandé. À forte dose sous forme de compléments, le bêta-carotène peut être toxique, surtout chez les fumeurs (risque accru de cancers bronchiques démontré).

Autres alliés: les vitamines C et E (fruits rouges, huiles végétales, oléagineux), le zinc et le sélénium. Ces nutriments protègent les membranes cellulaires, soutiennent la réparation cutanée, limitent l’inflammation. Ils n’empêchent pas le coup de soleil, mais peuvent aider la peau à mieux s’en remettre. Une alimentation riche en fruits colorés, légumes, huiles de qualité et hydratation constitue donc un soutien réel, mais non une protection active.

Le problème vient surtout des promesses cosmétiques qui accompagnent ces messages nutritionnels. Les «compléments solaires», pris avant les vacances, entretiennent l’illusion d’une peau préconditionnée. En réalité, aucun ingrédient ingéré n’augmente la tolérance de la peau au soleil. Pire: cette impression de sécurité peut inciter à s’exposer plus longtemps, sans protection, aggravant les dommages.

Côté beauté, certaines routines estivales fragilisent encore davantage la barrière cutanée: gommages répétés pour un bronzage plus uniforme, soins éclaircissants pour «fixer» le teint, produits autobronzants appliqués sur peau sensibilisée… Résultat: peau fine, déshydratée, irritée. Sans parler des régimes d’avant-plage (low-fat, low-gluten, détox) qui appauvrissent les apports en lipides, indispensables à la synthèse des membranes cellulaires et au bon fonctionnement du film hydrolipidique.

Il est important de rappeler que le bronzage n’est ni durable, ni universel. La couleur acquise ne reflète pas la santé, mais la réponse d’une peau à un stress. Les phototypes clairs (1 à 3) brûlent plus facilement et bronzent peu. Les phototypes foncés (4 à 6) bronzent plus rapidement, mais ne sont pas protégés des risques de cancer cutané pour autant. Tous les types de peau vieillissent sous le soleil.

 Autobronzants, accélérateurs, compléments: quelles différences?

- Les autobronzants colorent la peau via une réaction chimique (DHA) avec la kératine. Ils n’activent pas la mélanine et ne protègent pas du tout du soleil.

- Les accélérateurs de bronzage contiennent parfois de la tyrosine, censée stimuler la production de mélanine, mais leur efficacité est mal prouvée et leur usage peut favoriser les surexpositions.

- Les compléments alimentaires solaires (bêta-carotène, lycopène, sélénium…) prétendent «préparer la peau», mais ne remplacent en aucun cas une crème solaire à indice élevé ni des comportements prudents.

En résumé: le seul bronzage sans risque est celui que vous ne cherchez pas à obtenir.

 

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