Le Premier ministre arménien arrivé en Turquie pour une visite «historique»
Nikol Pachinian en Turquie pour discuter de la stabilité régionale avec Erdogan ©AFP

Le Premier ministre arménien Nikol Pachinian, arrivé en Turquie pour une très rare visite, s'est entretenu vendredi avec le président Recep Tayyip Erdogan à Istanbul, a annoncé la présidence turque.

Le bureau de M. Erdogan a précisé que les deux hommes avaient discuté pendant plus d'une heure des négociations de paix entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, des efforts de normalisation des liens avec la Turquie et du conflit entre Israël et l'Iran, qui partage une frontière avec la Turquie et l'Arménie.

"Le président Erdogan a souligné l'importance du consensus atteint dans les négociations de paix en cours entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie, compte tenu des circonstances, et a déclaré que la Turquie continuerait à soutenir pleinement les efforts visant à développer la région avec une approche gagnant-gagnant", ajoute la même source.

Ils ont également abordé "les mesures potentielles à prendre dans le cadre du processus de normalisation entre la Turquie et l'Arménie".

Dans un message publié sur X, le chef du gouvernement arménien a indiqué avoir eu un "échange approfondi" avec M. Erdogan, au cours duquel ils ont "discuté du processus de normalisation entre l'Arménie et la Turquie et des développements régionaux".

Il a assuré le dirigeant turc que l'Arménie était "engagée dans la construction de la paix et de la stabilité dans notre région".

Ce déplacement en Turquie, le deuxième seulement depuis l'arrivée au pouvoir de M. Pachinian en 2018, est qualifié par Erevan d'étape "historique" vers la paix dans la région, alors que l'Arménie et la Turquie n'ont jamais établi de relations diplomatiques et que leur frontière commune est fermée depuis les années 1990.

Les relations sont historiquement tendues entre Ankara et Erevan en raison de massacres de masse d'Arméniens dans l'Empire ottoman à l'époque de la Première Guerre mondiale.

L'Arménie, pour laquelle jusqu'à 1,5 million de personnes sont mortes entre 1915 et 1916, qualifie ces atrocités de génocide, un terme reconnu à ce jour par 34 pays, dont les Etats-Unis, la France, l'Allemagne, le Brésil et la Russie.

Pour sa part, la Turquie rejette formellement ce terme et estime le nombre de morts arméniens à entre 300.000 et 500.000.

Soutien turc à Bakou 

Plus récemment, Ankara a soutenu l'Azerbaïdjan, son proche allié, dans son conflit de longue date avec l'Arménie pour le contrôle du Karabakh.

Bakou a repris partiellement cette enclave lors d'une nouvelle guerre à l'automne 2020, puis entièrement lors d'une offensive éclair en septembre 2023, provoquant à son tour la fuite de plus de 100.000 Arméniens du Karabakh.

Jeudi, le président azerbaïdjanais Ilham Aliev s'était lui aussi rendu en Turquie pour s'entretenir avec M. Erdogan, qualifiant le partenariat entre leurs deux pays de "facteur important non seulement au niveau régional, mais aussi mondial".

Le président turc a lui répété son souhait de voir "s'établir la paix entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie".

Un responsable de la diplomatie arménienne a indiqué à l'AFP que MM. Pachinian et Erdogan devaient discuter vendredi des efforts pour signer un traité de paix global entre Erevan et Bakou, et de la guerre entre l'Iran et Israël.

D'après Alen Simonian, "les risques de guerre (avec l'Azerbaïdjan) sont actuellement minimes, et nous devons travailler à les neutraliser". Il a en assuré que la visite de Nikol Pachinian en Turquie représentait "un pas dans cette direction".

En mars, Bakou et Erevan ont annoncé s'être entendus sur un "accord de paix", mais le texte n'a toujours pas été signé, l'Azerbaïdjan ayant dressé une liste de demandes qu'il exhorte l'Arménie à remplir au préalable.

"Dilemme stratégique" 

Dans ce contexte diplomatique favorable, M. Pachinian cherche activement à normaliser les relations avec Bakou et Ankara.

"Pachinian est très désireux de sortir l'Arménie de son isolement et le meilleur moyen d'y parvenir est un accord de paix avec l'Azerbaïdjan et un accord de normalisation avec la Turquie", a expliqué à l'AFP Thomas de Waal, du centre Carnegie Europe.

Plus tôt cette année, M. Pachinian a annoncé que l'Arménie mettrait fin à sa campagne pour la reconnaissance internationale des massacres d'Arméniens en tant que génocide -- une concession majeure à la Turquie qui a suscité de nombreuses critiques dans son pays.

Concernant leur frontière commune, "la Turquie est confrontée à un dilemme stratégique", estime Thomas de Waal: "D'un côté, elle veut rester loyale envers l'Azerbaïdjan, de l'autre, ouvrir la frontière arménienne renforcerait son rôle au Caucase du Sud", souligne-t-il.

AFP

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