
La collection Frick de New York rassemble trois chefs-d'œuvre de Vermeer autour du thème de la lettre d'amour. Une exposition intime, mais dense, qui explore le rôle des servantes dans l'art épistolaire et la séduction au XVIIe siècle.
Une exposition avec seulement trois œuvres? La collection Frick de New York prend ce pari inusité avec des toiles du peintre hollandais du 17e siècle Johannes Vermeer liées entre elles par des histoires d'amour secrètes.
Le fondateur du musée new-yorkais, l'industriel Henry Frick, avait fait l'acquisition en 1919 de la célèbre toile La maîtresse et la servante du peintre surnommé le «Sphinx de Delft». Pour cette nouvelle exposition, deux autres œuvres ont été empruntées: Femme écrivant une lettre et sa servante à la Galerie nationale d'Irlande et La lettre d'amour au Rijksmuseum d'Amsterdam.
Il s'agit de trois des six œuvres que Vermeer (1632-1675) a consacrées à la lecture, l'écriture, ou l'échange de lettres, à l'époque où la forme épistolaire était à son apogée dans l'art.
Les trois œuvres réunies à New York intègrent la figure «secondaire» de la servante, qui devient ainsi un «intermédiaire» entre la maîtresse, qui «entretient vraisemblablement une liaison ou une relation amoureuse», et l'auteur ou le destinataire des lettres, explique le commissaire de l'exposition Robert Fucci.
À une époque en Europe où les femmes de certains milieux aisés étaient de plus en plus libres de choisir leurs amants, les servantes étaient des «témoins» de l'art épistolaire de la séduction, explique ce spécialiste de la peinture hollandaise du 17e siècle.
«C'est ce sentiment d'anticipation, d'attente qui s'intensifie, que Vermeer utilise comme point central de ces œuvres (...) auxquelles nous pouvons toujours nous identifier», ajoute-t-il, en référence peut-être aux applications de rencontre via lesquelles des millions de personnes attendent la réponse d'un être «liké».
Dette
Bien que différentes par leur échelle, leur action et leur perspective, les trois œuvres créent des «récits énigmatiques», caractéristiques du travail de Vermeer, selon la présentation de cette exposition qui restera ouverte jusqu'à fin août dans ce musée qui vient de faire peau neuve.
Après environ cinq ans de fermeture pour des rénovations chiffrées à environ 330 millions de dollars, la collection Frick de New York a rouvert ses portes en avril forte de dix nouvelles salles, aménagées au deuxième étage, dans les anciennes chambres privées de cette famille qui avait fait fortune dans le charbon et l'acier.
Deux des œuvres présentées, La lettre d'amour et Femme écrivant une lettre et sa servante, semblent avoir occupé une place particulière dans la vie de l'épouse de Vermeer, Catharina Bolnes. Veuve avec onze enfants après la mort du peintre, elle a dû utiliser ces deux toiles pour régler une dette envers le boulanger, espérant un jour récupérer ses œuvres qui valent aujourd'hui une fortune.
L'exposition Lettres d'amour de Vermeer est la première consacrée au maître néerlandais à New York depuis 2001 et la première originale que la collection Frick organise depuis sa réouverture. Cet hommage confidentiel contraste avec la plus grande rétrospective jamais dédiée au peintre du siècle d'or néerlandais en 2023.
Le Rijksmuseum d'Amsterdam avait alors exposé 28 de la trentaine de toiles du maître, dont La Laitière et La Jeune Fille à la perle, pour cette exposition qui avait attiré des centaines de milliers d'esthètes.
Pour la Canadienne Aimee Ng, commissaire d'exposition à la collection Frick, point de doute: «Vermeer continue de captiver et d'inspirer le public aujourd'hui.»
Par Ana FERNÁNDEZ / AFP
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