
Alors que la situation régionale semble marquer une pause, les ménages libanais, eux, se recentrent sur leur préoccupation quotidienne: les salaires. Le débat sur le salaire minimum refait surface, porté par l’urgence sociale. Mais derrière les déclarations répétées, rien de concret n’a encore vu le jour. Le silence soudain du ministre du Travail ne fait que renforcer l’incertitude.
Dans ce contexte, il faut rappeler que, dans un flou juridique total et une absurdité banale, le dernier relèvement du salaire minimum (Smic) n’a pas été décrété par le ministère concerné, ni par le gouvernement de Nagib Mikati, mais proclamé de manière unilatérale par le directeur général de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), Mohamad Karaké. Ce dernier avait annoncé via les médias qu’il enverrait un contrôleur-délégué dans chaque entreprise affiliée déclarant un salaire inférieur à vingt millions de livres. Une décision qui a bousculé allègrement le cadre légal en vigueur. Cependant, le montant a été rectifié un peu plus tard par le ministre du Travail de l’époque, qui l’a fixé à dix-huit millions de livres.
Smic: une passe d’armes qui pousse le ministre à trancher
Le 7 mai dernier, lors de sa dernière réunion, le Comité de l’indice des prix – rassemblant le ministre du Travail et des représentants du patronat et de la CGTL – s’est accordé sur une revalorisation du Smic à 28 millions de livres. L’accord prévoyait également une hausse des aides scolaires versées par le patronat, multipliées par deux fois et demi, ainsi que le doublement des allocations familiales versées par la CNSS.
Mais la réunion a rapidement viré à l’affrontement. Une vive altercation a éclaté entre le président de la CGTL, Béchara Asmar, et un représentant du patronat, ce dernier contestant l’étendue de la hausse. Selon lui, seuls les salaires minimums étaient concernés, et l’État n’avait pas à imposer une échelle salariale au secteur privé.
Pris entre deux feux, le ministre du Travail a décidé de prendre ses distances: après avoir soumis le projet au Conseil des ministres, il l’a transmis au service de législation du ministère de la Justice afin d’obtenir un avis juridique et calmer les esprits. Depuis, plus aucun signe. Le dossier est en suspens.
Fonctionnaires: une détresse sociale à peine masquée
Dans le secteur public, l'urgence sociale est devenue criante. Les fonctionnaires, dont les salaires sont restés inchangés depuis l’éclatement de la crise économique, sont aujourd’hui parmi les plus durement touchés par l’effondrement de la livre libanaise, qui a perdu plus de 98% de sa valeur. Pour eux, le salaire minimum est resté une fiction: toujours fixé à 678.000 livres, soit à peine sept dollars – une somme dérisoire face à l’envolée du coût de la vie.
En guise de réponse, l’État distribue au compte-gouttes des aides ponctuelles et des allocations provisoires, ni pérennes, ni déclarées à la CNSS. Résultat: ces maigres compensations ne sont même pas prises en compte dans le calcul des indemnités de fin de service. Un système bancal qui entretient le malaise et alimente un profond sentiment d’abandon au sein de la fonction publique.
La CGTL monte au créneau
Alors que les hauts responsables de l’État répètent inlassablement que les caisses du Trésor sont trop vides pour financer une nouvelle grille salariale pour les fonctionnaires, la réaction de la CGTL ne s’est pas fait attendre.
Son président, Béchara Asmar, a exprimé son indignation face aux salaires jugés exorbitants accordés aux membres des autorités de régulation dont les rémunérations vont de 1.500 à 8.000 dollars mensuels. Une disparité criante, qui alimente la colère sociale et jette une lumière crue sur les priorités de l’État.
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