Le Hezbollah, entre promesses creuses et insolvabilité
©Ici Beyrouth

Derrière les beaux discours de solidarité, la réalité est brutale: le Hezbollah a abandonné les habitants du Liban-Sud à leur sort. Qard el-Hassan, vitrine soi-disant bienveillante de la formation, n’est, au final, qu’un mirage opaque.

Dans les villages du Liban-Sud, le calme apparent masque une colère sourde. À Blat, Khiam, Kfarchouba ou Marjayoun, les maisons sont toujours éventrées, les commerces condamnés, les familles brisées. Des mois après les bombardements, la reconstruction reste bloquée, étouffée par l’incurie d’un Hezbollah incapable d’assurer le minimum promis aux siens.

Là où l’État s’est absenté, la milice chiite avait promis d’intervenir, de réparer, de reconstruire. Elle n’a fait qu’illusion. Ses fameux chèques d’indemnisation, distribués à grand renfort de propagande, ne valent aujourd’hui rien de plus que le papier sur lequel ils sont imprimés.

Des chèques en bois

Les sinistrés ont vite compris que les promesses du Hezbollah ne sont qu’une farce cruelle. Les chèques distribués sont tous postdatés – trois, parfois sept mois plus tard – et, comble de l’humiliation, souvent non encaissables à l’échéance. La population, exsangue, est obligée de vendre ses biens, de s’endetter, d’hypothéquer ce qu’il lui reste pour tenter de rebâtir. Tout cela, pendant que les représentants du groupe, eux, continuent de fanfaronner et de crier victoire – divine! – devant les caméras.

«Mon toit était percé, ma chambre inutilisable, mon magasin détruit, les dettes s’accumulent», raconte Ahmad, 55 ans, de Blat. «J’ai reçu un chèque en janvier 2025, payable en mai. Il est toujours là, inutilisable. Il me rappelle juste ce que j’ai perdu en attendant.»

Qard el-Hassan: une machine à broyer l’espoir

Là où le Hezbollah promettait aux siens de compenser l’absence de l’État, il impose une bureaucratie kafkaïenne. Qard el-Hassan, «institution financière» – pourtant illégale de la formation – prétend aider les sinistrés. En réalité, l’organisme tente d’agir comme une banque fantôme, sans garanties, sans transparence, sans fonds. À l’expiration du chèque, les bénéficiaires sont envoyés vers cette structure d’économie parallèle, où on leur impose encore 35 jours de délai – qui n’aboutit souvent à rien.

«J’ai reçu un chèque en janvier. Il était censé être payable en mai. En mai, on m’a dit d’attendre encore 35 jours. On est en juin, et ma maison est toujours ouverte aux quatre vents. Ma boutique est fermée. C’est une torture silencieuse», confie Ali, 57 ans, de Khiam.

Une faillite déguisée en résistance

Le 23 juin, le couperet est tombé. Le comité d’indemnisation du Hezbollah a suspendu tous les paiements jusqu’à nouvel ordre, invoquant l’intensification du conflit Iran-Israël. Traduction claire: l’argent ne rentre plus. Le Hezbollah, présenté comme «garant de la résistance», n’est même plus capable d’honorer ses propres engagements envers ses partisans. Sa prétendue force sociale s'effondre, révélant sa dépendance à des flux financiers extérieurs qui se tarissent.

«Mon chèque devait être encaissé ce mois-ci. Ils viennent d’annoncer le gel. C’est l’ultime trahison», dénonce Abou Ali, 65 ans, de Khiam. «Des mois à attendre, à espérer. Et maintenant? Rien. Juste le mépris.»

Une population piégée, méprisée, sacrifiée

Toutefois, de nombreuses familles n’ont même pas reçu de chèque. Leurs maisons ont pourtant été inspectées, photographiées par des personnes liées au Hezbollah. Mais depuis, plus rien. Silence radio.

«Ils sont venus, ont tout pris en photo. Depuis, c’est comme si ma maison n’existait pas. Comme si mes souffrances n’étaient pas réelles», raconte Fadia, de Marjayoun, la voix brisée par l’épuisement.

Le Hezbollah prétend défendre les siens. Il les abandonne. Il prétend reconstruire. Il les plonge dans l’attente. Il prétend résister. Il les sacrifie.

L’effondrement d’un mythe

Le Hezbollah se targuait d’être un «État dans l’État». Il n’est aujourd’hui qu’un «gestionnaire» dépassé par les évènements, incapable de secourir ceux qu’il prétend représenter. La façade d’efficacité dont il s’enorgueillissait s’est fissurée; derrière, c’est le chaos. Qard el-Hassan n’a plus de trésorerie, les chèques sont sans valeur et la population le sait désormais.

«On ne peut pas avancer, on ne peut pas reconstruire. On est piégés dans cette attente, avec un papier qui ne vaut rien», confie Ramzi, dont la maison est toujours inhabitable. «C’est ça, la vraie résistance?»

Dans les ruines du Liban-Sud, les habitants n’attendent plus. Ils constatent. Et beaucoup n’y croient plus. Le vernis de la soi-disant solidarité a craqué. Ce qui reste, c’est la rage. Et un peuple trahi une fois de trop.

 

Commentaires
  • Aucun commentaire