
À travers une bande dessinée sensible et documentée, Hervé Bourhis retrace la période cruciale de la vie de Paul McCartney après la fin des Beatles. De la chute douloureuse à la renaissance artistique avec Wings, ce portrait intime éclaire un chapitre méconnu de l’icône du rock.
«J'étais un demi-dieu de la musique, aujourd'hui je suis chômeur.» Avec Paul, le dessinateur Hervé Bourhis brosse le portrait intime et touchant de Paul McCartney à l'aube des années 1970, entre dislocation douloureuse des Beatles et renaissance avec les Wings.
Le 20 septembre 1969, les quatre garçons de Liverpool sont réunis au siège de leur label londonien Apple Records pour signer de nouveaux contrats quand John Lennon annonce à ses partenaires qu'il veut «divorcer».
La nouvelle, après de premières velléités de départ de George Harrison et Ringo Starr, siffle la fin, pas encore officielle, des Beatles minés par les querelles d'ego et les conflits musicaux.
Paul McCartney, qui «a toujours été un gars de groupe et qui menait la barque depuis l'album Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band», n'a «rien vu venir», relate Hervé Bourhis, amoureux depuis ses 14 ans des Fab Four — une «obsession» nourrie dernièrement par la série Get Back de Peter Jackson et le documentaire Beatles ’64 produit par Martin Scorsese.
Alors que sort l'album Abbey Road et que le groupe est au sommet de sa gloire, Paul McCartney est au fond du trou.
«Je suis un has-been de 27 ans», se lamente le double dessiné de Macca (son surnom) dans la BD, narrée à la première personne, au plus près de la psyché du chanteur-compositeur qui sombre dans une profonde dépression et carbure au whisky dès le réveil.
Pour Hervé Bourhis, son salut viendra de son épouse Linda — «extrêmement maltraitée» par la presse et les fans — lorsqu'elle l'entraîne avec leurs enfants dans leur ferme écossaise.
Paul y retape sa maison rustique et s'occupe de ses moutons, transfiguré en «papa de La Petite Maison dans la prairie», barbe hirsute, manteau de peau retournée et bottes de caoutchouc aux pieds.
Repartir à zéro
L'ouvrage, minutieusement documenté, mélange dessin réaliste et cartoonesque dans une joyeuse explosion graphique, dominée par des rose fluo, violet et bleu turquoise psychédéliques.
C'est en Écosse que McCartney va improviser une ritournelle sur sa «lovely Linda», qui lui donnera la force de relancer sa carrière avec son épouse. Après des vacances aux Caraïbes, sur l'île d'Antigua, il se remet doucement à composer.
Hervé Bourhis offre ici une réhabilitation du Paul McCartney de l'époque, «visionnaire» mais qui passait auprès des fans pour le «méchant de l'histoire».
En 1970, il annonce la fin officielle des Beatles en sortant un album solo, avant d'intenter un procès à ses amis d'enfance pour dissoudre le groupe et le libérer du management controversé de leur producteur Allen Klein — attaqué plus tard en justice pour escroquerie par les autres membres des Beatles.
Avec Linda, le bassiste arborant «coupe mulet et gilets à fleurs» crée les Wings en recrutant des musiciens new-yorkais via de petites annonces anonymes. Le nouveau groupe part sur les routes, jouant pour trois sous dans les salles de bal des universités britanniques.
«Il va repartir à zéro, courageusement, de façon assez humble. Pour la première tournée des Wings, il loue un van, met les gamins, les chiens et les instruments dedans, et puis hop, c'est parti. Ils improvisent tout. C'est une histoire vachement chouette», estime l'auteur sans cacher les défauts de McCartney, comme son besoin maniaque de contrôle et sa consommation de drogues.
C'est avec l'album Band on the Run (1973) enregistré au Nigeria, l'occasion d'une mémorable rencontre avec l'inventeur de l'afrobeat Fela Kuti, qu'il signe définitivement sa résurrection. Il triomphe auprès de la critique et les ventes sont «stratosphériques». Même John Lennon, après les piques acerbes des dernières années, ira de son compliment sur ce «grand album».
Par Karine ALBERTAZZI / AFP
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