
La ville syrienne de Soueïda, à majorité druze, est plongée depuis dimanche dans une spirale de violences d’une ampleur inédite.
Les affrontements entre l’armée syrienne, appuyée par des miliciens bédouins, et les groupes armés druzes locaux ont provoqué des combats d’une rare intensité, accompagnés d’exécutions sommaires, d’une crise humanitaire majeure et de tensions régionales croissantes.
Le cessez-le-feu annoncé mardi par Damas n’a tenu que quelques heures. Dès l’aube du lendemain, les combats ont repris dans les quartiers nord de Soueïda et les villages environnants, notamment à Al-Maslakh, Rasas, Qanawat et sur la route d’Al-Koum, où des tirs de mortiers ont frappé des zones résidentielles, semant la panique parmi les habitants.
Un bilan qui s’alourdit
Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), le bilan des violences s’élève désormais à 248 morts, dont 92 combattants druzes, 28 civils druzes (parmi lesquels 21 ont été exécutés sommairement par les forces gouvernementales), 138 membres des forces de sécurité syriennes et 18 combattants bédouins alliés au régime.
Des témoignages concordants rapportent des scènes d'exécutions, de pillages et d'iconoclasme dans des lieux de culte et des maisons civiles.
Une opposition druze fragmentée
Une source proche du dossier affirme que les forces de sécurité intérieure ont pris le contrôle de Soueïda. Les groupes druzes armés, largement sous-équipés, se sont pour la plupart repliés vers le sud de la province afin d’éviter un affrontement direct. Seuls les partisans du cheikh Hikmat al-Hijri, chef spirituel influent, poursuivent les combats dans le nord de la ville.
À l’inverse, d’autres figures religieuses et claniques, telles que les cheikhs akl Youssef Jarbouh et Hammoud al-Hannaoui, se montrent plus favorables à une intégration encadrée dans l’ordre établi par Damas. Mais selon une source proche du dossier, une large partie de la population druze ne fait pas aujourd’hui confiance aux autorités syriennes, qu’elle considère comme hostiles, désorganisées ou incapables de garantir la sécurité.
Une crise humanitaire aiguë
Le contexte humanitaire est alarmant. L’offensive militaire s’est accompagnée d’un effondrement des services essentiels. L’électricité a été coupée dans la quasi-totalité de la ville et de sa campagne. Une source locale fait état de pénuries de biens de première nécessité en raison des combats et de la fermeture des axes routiers.
Toujours selon la source locale, il y aurait un exode de druzes armés vers le sud de Soueïda.
Les groupes armés druzes n’ont ni les effectifs ni l’arsenal pour résister, et l’armée régulière elle-même semble désorganisée. Une partie croissante de la population, confrontée à un choix existentiel, commence à envisager l’acceptation du statu quo pour éviter une destruction totale.
Israël sur le qui-vive
Face à l’ampleur des violences, Israël a multiplié ses frappes dans le sud de la Syrie.
Mardi, selon l’OSDH, des avions israéliens ont bombardé une position de l’armée syrienne sur la route d’Al-Thaalah dans la campagne de Soueïda, ainsi que la 52e brigade stationnée à Al-Hirak, dans l’est de la province de Deraa.
Une autre frappe a visé un rassemblement de membres des forces de sécurité générale aux abords du bâtiment de la police à Soueïda. Des ambulances ont été vues accourant sur les lieux.
Mercredi, l’agence officielle syrienne SANA a rapporté une nouvelle frappe israélienne, la deuxième en deux jours, contre la ville de Soueïda. Selon elle, des drones israéliens ont visé la ville de Soueïda, alors même que les forces gouvernementales s’y sont redéployées la veille, malgré les avertissements répétés de Tel Aviv.
Israël a immédiatement réagi, réitérant qu’il intensifierait ses frappes si Damas ne procédait pas au retrait de ses troupes du sud de la Syrie, et en particulier de Soueïda. Peu après, l’armée israélienne a revendiqué une frappe distincte sur l’entrée du quartier général de l’armée syrienne à Damas.
La télévision d’État syrienne a, de son côté, rapporté que deux personnes avaient été blessées dans le centre de la capitale, sans en préciser l’emplacement exact.
Le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a réaffirmé mercredi que son pays «n’abandonnera pas les Druzes en Syrie» et a exigé le retrait immédiat des forces syriennes de Soueïda. Il a également menacé d’«augmenter l’intensité des réponses contre le régime si le message n’est pas compris», invoquant la doctrine israélienne de démilitarisation du sud syrien, en vigueur depuis la chute de Bachar el-Assad.
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