Trump change les règles du commerce d'après-guerre... avant tout aux États-Unis
Les mesures protectionnistes de Trump inquiètent peu l’OMC, qui voit un système mondial encore résilient. ©Jim Watson / AFP

Japon, Indonésie, Union européenne... Donald Trump réussit à imposer ses droits de douane à presque tous ses partenaires commerciaux sans subir de riposte, façonnant un nouveau rapport de force mais sans complètement changer la donne mondiale, de l’avis des experts.

Les États-Unis appliqueront le 1er août de nouvelles surtaxes douanières aux produits venant de la plupart des régions du monde, qu’elles aient signé ou non un accord avec Washington.

La baisse des droits de douane s’était pourtant imposée comme un pilier de la mondialisation avec la création en 1947 du Gatt (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce), ancêtre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui rassemble aujourd’hui 166 membres et 98% du commerce mondial.

« Nous avons appris dans l’après-guerre qu’un pays est plus prospère quand il baisse ses droits de douane. C’est aussi mieux si les autres pays abaissent les leurs », affirme à l’AFP Richard Baldwin, professeur d’économie internationale à l’IMD Business School de Lausanne et ancien membre du Conseil économique de la Maison Blanche auprès de George Bush père.

L’actuel président américain fait un bond en arrière avec des droits de douane qui s’affichent sur le sol américain à leur niveau le plus haut depuis au moins 1930.

Mais les conséquences devraient rester limitées pour le commerce international au-delà des États-Unis.

« Pas d’effet systémique »

Les importateurs américains, qui devraient en principe payer la plus grosse partie des droits de douane, pourraient décider de se fournir davantage aux États-Unis, ou de répercuter cette facture sur les consommateurs américains.

Mais « cela n’aura pas d’effet systémique » à l’échelle mondiale, abonde auprès de l’AFP Pascal Lamy, ancien directeur général de l’OMC. Trump a gagné selon lui « une victoire en trompe-l’œil, à la Pyrrhus », car son pays en sera le premier affecté.

Le commerce de marchandises a crû de façon régulière ces dernières années et a atteint près de 24.000 milliards de dollars en 2023, selon l’OMC.

Les importations américaines, celles concernées par les nouveaux droits de douane, ne représentent que 13% des importations mondiales.

« C’est majeur, mais ce n’est qu’un morceau des importations mondiales et le reste du monde continue à vouloir fonctionner sur un modèle d’engagement et d’interdépendance dans le commerce international », relève auprès de l’AFP Elvire Fabry, spécialiste de géopolitique du commerce pour l’Institut européen Jacques Delors.

Accords commerciaux parallèles

Plusieurs projets d’accords commerciaux sont d’ailleurs dernièrement revenus en force.

En mars, le Japon, la Corée du Sud et la Chine se sont engagés à accélérer leurs négociations en vue d’un accord, et le président brésilien Lula a appelé à un partenariat entre les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay) et le Japon.

L’Union européenne a signé de son côté fin 2024 un accord de libre-échange avec le Mercosur, bien que celui-ci fasse encore l’objet de blocages. Elle a aussi relancé des négociations avec la Malaisie et en Asie centrale.

L’économie mondiale devrait quant à elle résister malgré l’incertitude, a indiqué mardi le Fonds monétaire international (FMI).

Les assauts de Trump se focalisent par ailleurs sur le commerce de marchandises, avance Pascal Lamy, et ignorent jusqu’ici les services, qui sont pourtant « la partie des échanges internationaux qui augmente le plus rapidement ».

« On doit changer de lunettes lorsqu’on observe les échanges internationaux », poursuit-il, estimant que « Donald Trump a une vue médiévale » en la matière.

L’OMC a pour la première fois publié en avril une prévision concernant le commerce des services, qui devrait augmenter de 4,0% en 2025, soit tout de même environ 1 point de pourcentage de moins que prévu en raison de la guerre commerciale.

Le commerce des marchandises devrait lui diminuer de 0,2% avant d’afficher une reprise « modeste » de 2,5% en 2026, selon l’institution internationale. Des prévisions qui ne tenaient toutefois pas compte des surtaxes attendues au 1er août.

Par Ali BEKHTAOUI/AFP

Commentaires
  • Aucun commentaire