
La nécessité d'une alternative aéroportuaire n’est plus une opinion, mais une évidence.
Comme chaque été, l’aéroport international de Beyrouth (AIB) est pris d’assaut par les Libanais de la diaspora, venus en masse passer les vacances au pays. Une affluence record, cette année, qui transforme les halls en véritables fourmilières humaines. Les files s’étirent à perte de vue devant les comptoirs de la Sûreté générale, où l’attente devient interminable. L’engorgement atteint son paroxysme lorsque plusieurs avions atterrissent simultanément, saturant instantanément les espaces d’accueil. Entre bousculades, fatigue et impatience, le chaos règne, révélant les limites criantes d’une infrastructure à bout de souffle.
Rien que pour le mois de juillet 2025, le nombre de passagers arrivant à l’AIB a enregistré une hausse de 15,3% par rapport à la même période en 2024. Le trafic aérien a également connu une progression notable: les vols opérés par la compagnie nationale MEA, ainsi que par d’autres transporteurs arabes et internationaux, ont augmenté de 5,75%. Au total, 2.997 avions ont atterri à l’AIB (+5,82%) et 2.993 ont décollé (+5,68%), confirmant la pression croissante sur l’unique aéroport du pays.
L’AIB dépasse ses capacités
L’AIB, conçu pour accueillir six millions de passagers, a atteint sa capacité maximale. Vieillissant, il nécessite aujourd’hui des travaux urgents de maintenance, de réhabilitation, de nettoyage, mais aussi une restructuration optimale. Au moindre incident, qu'il soit d’ordre sécuritaire ou technique, c’est tout le pays qui se retrouve cloué au sol. Le Liban demeure l’otage de son unique aéroport opérationnel sur l’ensemble de son territoire. L’AIB est une véritable ligne de vie nationale. La moindre perturbation dans son fonctionnement agit comme un goulot d’étranglement pour l’économie, les échanges et la mobilité. Un seul aéroport pour tout un pays est une vulnérabilité stratégique qui ne peut plus durer.
Extension en vue pour l’AIB
Peu après la levée de l’interdiction de voyager au Liban imposée aux ressortissants des Émirats arabes unis, le ministre des Travaux publics et des Transports, Fayez Rasamny, a relancé le projet d’élargissement de l’AIB. Sans entrer dans les détails, il a affirmé que le projet est techniquement finalisé et prêt à entrer en phase d’exécution, soulignant qu’il vise une augmentation progressive de la capacité d’accueil et une amélioration des services offerts aux passagers. La mise en œuvre dépendrait toutefois de priorités opérationnelles et techniques.
Parallèlement, plusieurs améliorations ont été entreprises dans l’immédiat, en attendant le démarrage du chantier principal. Parmi elles: la réhabilitation des routes d’accès à l’aéroport, la mise à disposition de 1.000 nouveaux chariots à bagages, la rénovation du salon d’honneur ainsi qu’une réorganisation du service de taxis.
Un vieux projet remis sur les rails
Lancé en 2018 sous le gouvernement de Saad Hariri, le projet d’extension de l’AIB avait été mis en pause avec la crise de 2019. Son successeur, Najib Mikati, a tenu à le remettre en marche malgré la conjoncture économique difficile. Le gouvernement a ainsi alloué 5 millions de dollars au Conseil du développement et de la reconstruction (CDR) pour lancer le projet de «Fast Track» à partir du terminal ouest, dans le but de fluidifier le parcours des passagers et accroître la capacité annuelle de l’aéroport d’un million de voyageurs.
Interrompu en pleine crise, le chantier a repris en août 2024, redonnant vie à ce projet structurant, censé désengorger l’unique aéroport du pays, aujourd’hui saturé.
Aéroport de Kléiate
Dans ce contexte, une question s’impose: qu’est-ce qui retarde encore le lancement des travaux – ne serait-ce que de réhabilitation – de la seule piste opérationnelle de l’aéroport de Kleiate, connu aussi sous le nom d’aéroport René Moawad? D’autant plus que l’étude de faisabilité et le plan directeur, réalisés gracieusement par le cabinet Dar al-Handasah, ont été finalisés et remis aux autorités compétentes dès le mois de mai. Pourquoi alors attendre jusqu’à octobre, comme l’ont laissé entendre à l’unisson le Premier ministre, Nawaf Salam, et le ministre des Travaux publics et du Transport, Fayez Rasamni, pour enfin lancer l’appel d’offres?
Le contexte politique est pourtant plus que favorable à une décentralisation du trafic aérien et à un désengorgement de l’aéroport international de Beyrouth. C’est une opportunité à saisir – et non à sacrifier – au nom d’un prétendu équilibre géographique entre le nord et le sud. Une opportunité qui, à défaut d’être exploitée aujourd’hui, risque fort de ne plus se représenter à court ou moyen terme. Le Liban est un pays à vocation touristique, porté par une diaspora active et fortement attachée à ses racines. Ignorer cette réalité, c’est rater une occasion stratégique de dynamiser le secteur aérien national.
L’île de Chypre et la Corse, bien plus petites en termes de superficie, disposent respectivement de trois et cinq aéroports. Pourquoi le Liban n’en ferait-il pas autant?
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