La crise silencieuse des pommes libanaises
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À l’approche de l’automne, les collines libanaises se parent de rouge et de vert: c’est la saison des pommes. Croquantes, juteuses, sucrées ou acidulées, elles ne sont pas seulement un fruit; elles font vivre des villages entiers, de la Békaa au Akkar. Mais derrière cette carte postale champêtre, se cache une équation moins savoureuse: trop de pommes et pas assez de débouchés.

Dans de nombreuses localités de montagne, la pomme est bien plus qu’un dessert: c’est un pilier économique. Les familles comptent sur la récolte pour financer scolarité, santé et dépenses de base. Et lorsque les pommes ne trouvent pas preneur, c’est tout un équilibre rural qui chancelle. Jus, confitures, cidre artisanal, vinaigre... les dérivés existent, mais ils ne suffisent pas à absorber la surproduction.

Le problème des exportations bloquées

«Traditionnellement, les excédents étaient écoulés vers les marchés arabes voisins. Mais entre frontières compliquées, coûts de transport exorbitants et absence de stratégie claire du gouvernement, les pommes s’entassent désormais dans les entrepôts frigorifiques, ou finissent bradées au prix de la compote», explique à Ici Beyrouth un producteur de pommes.

Un avertissement politique: la «révolution des pommes»

Dans ce cadre, le député Walid al-Baarini a tiré, il y a deux jours, la sonnette d’alarme sur la plateforme X: «Nous approchons de la saison de la cueillette des pommes, ce produit national qui constitue une source de vie essentielle pour nos familles. Nous demandons au gouvernement et surtout au ministère de l’Agriculture: Qu’avez-vous fait pour ouvrir des marchés arabes? Un krach de la saison serait une catastrophe pour des milliers de foyers. Gare à la révolution des pommes!» Le ton est donné: si rien n’est fait, la grogne risquera de dépasser les vergers.

Pourtant, le ministre de l’Agriculture, Nizar Hani, a assuré à Ici Beyrouth que de grands efforts sont déployés pour ouvrir de nouveaux marchés et accroître les exportations libanaises. Cependant, il regrette que, malgré les initiatives menées avec l’Arabie saoudite, la route terrestre reste fermée aux produits agricoles libanais, un axe crucial pour les exportations, notamment pour les pommes. Actuellement, l’Irak est le seul pays important à importer des pommes libanaises. M. Hani a ajouté qu’il se rendra la semaine prochaine en Égypte pour discuter des exportations agricoles libanaises et de leur cadre réglementaire.

Que faire?

Selon le producteur, il faudrait ouvrir les marchés en relançant les canaux d’exportation vers le Golfe et la Jordanie, valoriser les pommes localement en encourageant les usines à transformer la pomme en produits à forte valeur ajoutée (cidre, vinaigre, snacks séchés...) et enfin encourager à consommer libanais. Il estime qu’«une campagne nationale “Mangez une pomme par jour, sauvez un village” pourrait transformer un geste de santé en acte de solidarité».

Si le dicton dit qu’«une pomme par jour éloigne le médecin», au Liban, une pomme par jour pourrait surtout éloigner… la crise sociale. Mais attention, si rien n’est fait, ce ne sera pas seulement le fruit qui tombera de l’arbre, mais tout un pan de l’économie rurale. Et là, la «révolution des pommes» pourrait bien éclater pour de bon.

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