
De Paris à Dubaï, en passant par Montréal ou New York, les jeunes expatriés libanais reviennent normalement chaque été au pays. Malgré une vie devenue hors de prix et un quotidien parfois chaotique, leur attachement reste intact. Témoignages d'une jeunesse tiraillée entre choc économique, nostalgie et besoin vital de se reconnecter et de se ressourcer.
Même s’ils se disent très heureux de retrouver leur terre natale, les expatriés trentenaires et les jeunes de la Gen Z sont unanimes: la cherté de la vie au Liban est choquante.
Mais cela ne les empêche pas de revenir chaque été faire la fête, retrouver leurs bien-aimés et vivre pleinement une saison dont chaque instant semble valoir le sacrifice. «C’est un budget vacances», reconnaissent plusieurs d’entre eux, «mais rien que de revoir la mer, ça n’a pas de prix».
Beyrouth plus chère que New York?
Loulya, 27 ans, n’était pas revenue au Liban depuis l’été 2023, notamment à cause de la guerre entre le Hezbollah et Israël. Installée à New York, elle remarque que «chaque été, tout devient plus cher: restos, bars, plages… ». Selon elle, seules les places de parking et les loyers restent à peu près abordables.
«C’est ridicule de voir que les prix à Beyrouth sont aussi élevés, voire plus qu’à New York ou Dubaï», deux villes où elle a vécu. Elle dénonce l’absurdité d’un pays en crise, où les salaires locaux ne permettent même pas de subvenir aux besoins de base. «Même en tant qu’expat, avec un meilleur revenu, je suis obligée de limiter mes dépenses!»
Même Yann, 16 ans, qui n’a passé qu’un an au Canada, a remarqué que les prix ont «beaucoup augmenté».
Budget explosé pour tout le monde
Stéphanie, 22 ans, installée à Strasbourg depuis plus d’un an, est sur la même longueur d’ondes: «Tout comme mes amis restés ici, avec mes amis expats, on s’est tous rapidement retrouvés sous l’eau, niveau budget.»
Elle assure qu’en France, une sortie en soirée coûte bien moins cher qu’à Beyrouth.
Tamara, 26 ans, qui vit à Dubaï, relativise: «C’est normal, avec une inflation pareille et une monnaie dévaluée à 98%». Mais elle admet que, pour un touriste étranger, «le Liban est devenu aussi cher qu’un pays européen».
Beyrouth, ville en constante mutation
Youmna, 25 ans, vit à Paris depuis cinq ans. À chaque retour, elle a l’impression que Beyrouth a changé.
«Dans des quartiers comme Achrafieh, Mar Mikhael ou Sodeco, je découvre toujours de nouveaux restos et cafés.» Elle souligne aussi l’évolution rapide des lieux à la mode: «L’an dernier, tout le monde allait à Badaro, cette année c’est Gemmayzé. Il faut suivre!»
Mais, comme les autres, elle s’étonne de l’acceptation générale des prix.
«À Paris, un déjeuner me coûte 25 euros. À Beyrouth, c’est 50».
«Ici, j’ai l’impression que la dépense est beaucoup plus facile: par exemple 10 dollars le café glacé, je le paye sans rechigner ni trop réfléchir, parce que je suis en vacances! Alors qu’à Paris, ça m’aurait affectée, entre les charges de mon appartement, etc.», ajoute-t-elle.
Revoir la mer…
Ce qui attire ces jeunes avant tout? La mer. Le soleil. Les proches. L’intensité.
«C’est la mer qui m’a le plus manqué», confie Youmna, qui passe ses journées entre Amchit et Batroun. La montagne aussi est plébiscitée pour se ressourcer, loin du tumulte de la capitale.
Stéphanie renchérit: «Rien que de revoir la mer en conduisant ou du haut d’une montagne... ça m’avait tellement manqué».
Yann, lui, a voulu tout retrouver ou presque: «Mon père, mon chien, la bonne bouffe, la mer, la montagne… et surtout l’équitation», une passion qu’il a dû mettre de côté au Canada.
«Tout est plus simple à Beyrouth…»
Malgré le chaos ambiant, beaucoup évoquent un retour à la simplicité, à une forme de facilité de vivre: «Tout est à proximité. On peut faire mille choses dans la même journée», dit Yann.
Youmna ajoute: «La mer à une heure de la montagne, ça n’a pas de prix».
Autre atout des vacances au pays natal: les plats de maman et de «téta», et une chaleur humaine sans pareille qui fait toute la différence pour ces jeunes habitués à jongler entre «métro, boulot, dodo et paperasse», et, surtout, à tout faire seuls.
Il y a aussi un contact humain, une générosité, qu’ils ne retrouvent pas nécessairement dans leurs pays d’accueil respectifs. Au Liban, ils redécouvrent l’entraide, le lien social, la spontanéité. Et ça change tout. Ça aussi, ça n’a pas de prix.
«La manière de conduire me choque à présent»
Mais tout n’est pas si simple. Youmna ne conduit plus au Liban. «Depuis que je conduis à Paris, ici ça me donne des maux de tête. C’est dangereux. Je préfère prendre des Uber ou sortir avec des amis qui passent me prendre».
Stéphanie abonde dans le même sens: «Quand on revient, on réalise que beaucoup de choses qu’on croyait normales ne le sont pas. Les routes, la façon de conduire, etc.».
Elle se souvient pourtant d’avoir conduit tous les jours à l’époque où elle travaillait à Beyrouth. Mais cet été, au volant, elle s’est sentie «bizarre»: «J’ai eu l’impression de conduire pour la première fois». Après deux mois, elle confie toutefois s’être «réhabituée à tout cela».
Envers et contre tout
Malgré les prix exorbitants, le chaos des routes et la complexité du quotidien, les jeunes de la diaspora continuent donc de revenir, encore et toujours, envers et contre tout.
Parce que le Liban, c’est avant tout un lien viscéral avec la mer, la montagne et les racines.
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