
Écrivain majeur du XXe siècle, Albert Camus a marqué la littérature par son style limpide et son exploration de l’absurde. Engagé et passionné, il continue d’inspirer par ses combats et son humanisme.
Écrivain français parmi les plus lus au monde avec son œuvre phare L’Étranger, dont l’adaptation au cinéma par François Ozon est présentée à la Mostra, Albert Camus était aussi un homme engagé.
Fauché à 46 ans, ce passionné de justice et de liberté a dénoncé le totalitarisme, milité contre la peine de mort, eu une vie amoureuse agitée. Et ce lauréat du prix Nobel de littérature a un réel écho chez les jeunes.
L’Influenceur
«Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas». À 29 ans, avec ces mots, Camus fait son entrée en littérature. Succès immédiat.
Étudié dans le monde entier, L’Étranger, voyage dans l’absurde traduit en près de 70 langues, est le best-seller absolu en poche en France, devant Le Petit Prince.
Avant Ozon, Visconti l’a adapté en 1967, avec Marcello Mastroianni en Meursault. Mais Hollywood a renoncé face à la complexité du ton existentiel.
On compte des adaptations au théâtre, en opéra ou en BD. Il influence aussi la pop (Nick Cave, Tom Waits, Radiohead...), inspire des rappeurs et fait un tabac chez les jeunes.
Sur les réseaux sociaux, il est quasiment une icône: pages @camusdaily sur Instagram; hashtags #camus ou #absurde sur TikTok avec vidéos du type «POV: tu viens d’apprendre que la vie est absurde».
Le Libertaire
«Je me révolte donc nous sommes». Épris de justice et de liberté, il est un temps journaliste et couvre le procès de Pétain.
Sa brève expérience au PC le vaccine et inspirera son refus de tous les totalitarismes. Et lui vaut d’être isolé au sein des intellectuels français.
Quand il dénonce dans L’Homme révolté les dérives totalitaires de la gauche, son ami Jean-Paul Sartre l’excommunie par journal interposé: «Vous avez préféré la morale à la justice». Camus refuse de polémiquer: «Je suis seul, Sartre a une armée». Rupture définitive.
L’Abolitionniste
Viscéralement opposé à la peine de mort, il hésite d’abord à la condamner publiquement, redoutant que ce soit mal interprété ou utilisé politiquement.
Il franchit le pas dans Réflexions sur la guillotine et plaide, pendant la guerre d’Algérie, pour défendre des Algériens condamnés à mort par la France.
Son engagement inspire l’avocat Robert Badinter, qui, comme garde des Sceaux, fait voter en 1981 l’abolition de la peine capitale en France.
Aux États-Unis, un condamné à mort le citera lors de son exécution en 2009: «Tuer un homme au paroxysme de la passion est compréhensible. Le faire tuer par quelqu’un d’autre de façon calme et réfléchie est incompréhensible».
Le Passionné
Outre sa passion pour l’Algérie, sa terre natale, ce Méditerranéen plutôt réservé aime vivre, danser. C’est un séducteur invétéré.
«Dans les caves de Saint-Germain, il fallait à Sartre quelques heures de phénoménologie et beaucoup de whisky pour séduire une étudiante alors qu’il suffisait à Camus d’apparaître et de sourire», résumera l’écrivain Frédéric Musso.
Marié et père de famille, il a une double vie. Il entretient ainsi une liaison passionnée pendant une bonne dizaine d’années avec l’actrice espagnole Maria Casarès.
«Je t’aime comme on aime un éclair dans le ciel, furieusement, sans pouvoir le retenir». Leur correspondance enflammée sera publiée en 2017.
Il adore aussi le théâtre: il fonde à Alger une troupe et monte ensuite plusieurs pièces (Caligula, Les Justes...).
Passionné de foot, il a été gardien dans une équipe universitaire algéroise. «Ce que je sais de la morale, c’est au football que je le dois».
Le Malchanceux
Illustration de l’absurde de l’existence si cher à Camus, il n’aurait jamais dû mourir ce 4 janvier 1960.
Après le Nouvel An à Lourmarin (Vaucluse), il doit regagner Paris en train avec sa femme Francine et leurs jumeaux.
Las, il accepte l’invitation de son éditeur Michel Gallimard de faire le trajet avec lui par la route. Dans l’Yonne, il pleut sur la nationale 5, la voiture, qui roule à 145 km/h, heurte un premier platane, rebondit contre un second et se disloque. Il meurt sur le coup.
Dans le coffre, on retrouve un manuscrit inachevé, récit familial qui ne sera publié qu’en 1994 (Le Premier Homme). Et dans sa poche, le billet de train non utilisé.
Sa mort accidentelle alimente des thèses complotistes, certains y voyant la main du KGB...
Par Frédéric DUMOULIN / AFP
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