
Alors que le vinyle semblait indétrônable sur la vague rétro, la cassette musicale opère un retour aussi discret qu’inattendu. Portée par des artistes comme Taylor Swift et adoptée par la génération Z, elle incarne un nouveau rituel d’écoute nostalgique.
Au fil des années, le vinyle s’est imposé comme le symbole chic et vintage de la renaissance musicale. Mais, à la surprise générale, un autre format du passé revient dans les playlists: la cassette audio. Longtemps reléguée au rang de relique, elle renaît aujourd’hui, portée par le souffle conjoint de la nostalgie, de la curiosité technologique et du marketing astucieux de certains artistes. En première ligne, la superstar Taylor Swift, dont chaque nouvel album – y compris le prochain, prévu pour octobre et intitulé The Life of a Showgirl – est proposé en CD, vinyle et cassette.
Si ce retour aurait pu passer pour une simple fantaisie marketing, les chiffres démentent l’idée d’un effet de mode éphémère. Aux États-Unis, les ventes de cassettes sont passées de 50.000 unités en 2014 à près de 436.000 en 2023. En 2024, Taylor Swift a écoulé à elle seule près de 35.000 exemplaires de son dernier album en cassette. Une performance qui la place loin devant d’autres artistes contemporains, mais la pop star n’est pas la seule à miser sur ce format: Metallica, Billie Eilish ou encore Lana Del Rey surfent, eux aussi, sur la vague magnétique.
La cassette séduit d’abord par son esthétique: boîtiers translucides, graphismes minimalistes, typographies rétro. Mais, au-delà du look, c’est une expérience sensorielle qui fait mouche: sortir la bande de son écrin, la retourner, écouter le «clic» du mécanisme: un geste devenu rare à l’heure du streaming. Pour la génération Z, qui n’a jamais connu l’époque des walkmans et des compilations faites maison, la cassette devient un objet de découverte, de collection, presque de défi. D’ailleurs, nombre de jeunes acheteurs avouent ne pas savoir comment fonctionne un lecteur cassette et s’initient avec amusement aux joies du rembobinage manuel ou de l’avance rapide.
Taylor Swift, ambassadrice du vintage
Impossible d’évoquer le retour de la cassette sans parler de Taylor Swift. En proposant systématiquement ce format pour ses sorties majeures, elle fédère à la fois les nostalgiques des années 80-90 et une nouvelle génération avide de rituels musicaux «authentiques». Swift n’est pas la seule, mais son impact sur les ventes est spectaculaire. Son marketing s’appuie sur le sentiment de rareté et la dimension collector: éditions limitées, couleurs variées, packaging travaillé… La cassette devient un objet à montrer, à offrir, à partager. Sur les réseaux sociaux, les vidéos de déballage se multiplient, renforçant l’aura de la bande magnétique.
L’attrait pour la cassette s’inscrit dans une tendance plus large de réenchantement des objets du passé. Comme le vinyle, elle promet une écoute plus attentive, plus intime: on ne saute pas facilement d’un morceau à l’autre, on «subit» la linéarité de la bande. Ce retour à la lenteur séduit une jeunesse en quête d’expériences tangibles, dans un monde où tout s’écoute, se regarde et s’oublie à la vitesse du scroll. Le rituel, la manipulation, l’attente même d’une face à l’autre constituent une forme de résistance à l’instantanéité numérique.
Si le phénomène reste marginal par rapport au streaming, il ne faut pas sous-estimer sa portée symbolique. La cassette redevient une passerelle entre générations: parents et enfants se retrouvent à partager souvenirs et découvertes, à parler de son, de matériel, de souvenirs de jeunesse. Les fabricants, quant à eux, redoublent d’imagination: nouveaux baladeurs, enceintes hybrides, rééditions de modèles iconiques. Même les difficultés techniques – qualité sonore perfectible, usure du ruban, mécanique capricieuse participent du charme.
En définitive, la cassette n’est ni une menace pour le streaming, ni un concurrent sérieux pour le vinyle. Mais elle propose une alternative attachante, nostalgique et ludique à l’écoute dématérialisée. Pour Taylor Swift et ses fans, comme pour la génération Z curieuse de rituels oubliés, la bande magnétique a encore de beaux jours devant elle. Le vintage a décidément plus d’un tour dans sa bande.
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