
Avec la destruction de ses silos et une dépendance quasi totale aux importations, le Liban multiplie les initiatives pour garantir son approvisionnement en blé. Entre don irakien, prêt de la Banque mondiale et réunions logistiques, l’enjeu est vital: assurer le pain sur toutes les tables libanaises.
Le Liban, déjà fragilisé par une crise économique inédite, fait face depuis plusieurs années à une problématique vitale: la sécurisation de son approvisionnement en blé. La destruction des silos du port de Beyrouth lors de l’explosion du 4 août 2020 a non seulement anéanti une infrastructure stratégique, mais a aussi mis en évidence la vulnérabilité alimentaire d’un pays largement dépendant des importations. Dans ce contexte, chaque cargaison, chaque accord international et chaque initiative logistique deviennent des maillons essentiels d’une chaîne de survie.
Le ministre de l’Économie et du Commerce, Amer Bssat, s’est réuni cette semaine avec une délégation du Programme alimentaire mondial (PAM) et des représentants de la Sécurité de l’État pour faire le point sur un don irakien de blé. L’objectif de cette réunion était de coordonner les étapes logistiques nécessaires afin que les cargaisons parviennent à Beyrouth dans les délais les plus rapides et les conditions optimales.
Selon les informations disponibles au ministère de l’Économie, cette aide fait partie d’un accord de coopération bilatérale en cours de discussion depuis plus d’un an entre Beyrouth et Bagdad. Une délégation libanaise se rendra d’ailleurs en Irak mardi prochain pour finaliser non seulement les accords liés au blé, mais également d’autres dossiers économiques et de coopération.
Le don irakien représente plus qu’une simple aide alimentaire: il offrira au Liban un répit logistique et financier. Les volumes exacts ne sont pas encore confirmés, mais selon des sources proches du ministère de l’Économie, il s’agirait de cargaisons permettant de couvrir plusieurs semaines de consommation nationale.
Cette initiative s’inscrit dans un partenariat régional plus large, l’Irak souhaitant renforcer ses liens économiques avec le Liban. Pour Beyrouth, c’est une opportunité d’alléger la pression immédiate sur ses finances publiques et de sécuriser l’approvisionnement d’un produit aussi sensible que le blé.
Malgré ces aides, la situation reste préoccupante. La consommation annuelle de blé au Liban est estimée à près de 600.000 tonnes, alors que la production locale reste marginale et couvre à peine 10% des besoins. Autrement dit, le pays demeure dépendant à 90% des importations.
Des stocks précaires après la destruction des silos
Avant 2020, le Liban disposait d’une capacité de stockage de 120.000 tonnes de blé grâce aux silos du port de Beyrouth, construits dans les années 1960. Ces infrastructures permettaient de couvrir un à trois mois de consommation nationale, selon les volumes importés.
Aujourd’hui, cette capacité a disparu. Le pays ne dispose plus que d’entrepôts privés, éparpillés entre le port de Tripoli, celui de Saïda et quelques installations dans la Békaa. Résultat: le Liban vit quasiment au jour le jour, avec des stocks couvrant rarement plus de deux mois. Cette situation accroît la dépendance aux cargaisons ponctuelles et expose le pays aux fluctuations des prix mondiaux et aux tensions géopolitiques.
En mai 2022, face au risque imminent de pénurie, la Banque mondiale a accordé au Liban un prêt de 150 millions de dollars pour financer les importations de blé pendant neuf mois. L’objectif était double: assurer la continuité de l’approvisionnement et stabiliser le prix du pain, denrée de base pour les Libanais.
Cependant, cette mesure n’était qu’un pansement temporaire. Les fonds ont permis de garantir des cargaisons et d’éviter une rupture immédiate, mais sans résoudre la question structurelle du stockage. L’absence d’infrastructures publiques expose le pays aux interruptions logistiques et aux chocs des marchés internationaux.
Sans silos, sans stratégie agricole nationale ambitieuse et sans réforme logistique, chaque cargaison, qu’elle soit financée par un prêt, une donation ou une opération commerciale, n’est qu’un sursis.
Mais au-delà de la gestion quotidienne, le Liban devra tôt ou tard prendre une décision stratégique: reconstruire ses silos, moderniser ses infrastructures et investir dans sa production locale.
Parce que si un pays sans pain ne meurt pas immédiatement de faim, il risque bien de s’effondrer socialement. Et dans un Liban déjà fragilisé, le blé n’est pas seulement une denrée: c’est un enjeu de stabilité nationale.
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