Le Hezb face à l’aspiration à une vie «normale»  
©Ici Beyrouth

«Le mode de vie américain (que nous voulons) est très simple: Je veux pouvoir me marier, acheter une maison, avoir des enfants, les laisser faire du vélo jusqu’au coucher du soleil, les envoyer dans une bonne école, vivre dans un quartier paisible» (…). Ces propos ont été tenus par Charlie Kirk lors de l’un de ses célèbres débats publics qu’il organisait souvent dans des campus universitaires aux États-Unis, dans une atmosphère sereine et très respectueuse d’une totale liberté d’expression. Les propos de Charlie Kirk à cet égard peuvent paraître simplistes, primaires, naïfs. Ils reflètent toutefois un phénomène sociétal qui va crescendo dans les pays occidentaux. Bien au-delà de l’étiquette d’«extrême droite» que d’aucuns veulent leur coller – de façon abusive – ce discours et son immense retentissement illustrent un profond sentiment de fronde face à la déchéance wokiste. Ils expriment un fervent engouement pour une réhabilitation de la cellule familiale, pour un retour aux valeurs humanistes (aux valeurs chrétiennes, diront certains), surtout parmi les jeunes. Comment expliquer autrement le phénoménal élan transnational de solidarité et les gigantesques rassemblements de masse en hommage à Charlie Kirk dont nombre de pays ont été le théâtre ces derniers jours, parmi lesquels les États-Unis (à l’évidence), la Grande-Bretagne (surtout), la Pologne, l’Italie, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et même la Corée du Sud…        

Sans vouloir verser dans un nombrilisme déplacé, les propos précités de Charlie Kirk rejoignent quelque peu, toutes proportions gardées et sous un angle bien limité, le sentiment partagé par une écrasante majorité de Libanais qui n’aspirent aujourd’hui qu’à une vie tout simplement «normale», à un mode de vie à l’occidental (avant la vague wokiste), loin du climat guerrier permanent et sans fin. Les Libanais n’aspirent, concrètement, qu’à se marier, à bénéficier d’un logement décent, à passer du bon temps en famille (une vraie famille, formée d’un père, d’une mère et de leur progéniture…), à assurer une vie digne et une éducation solide à leurs enfants, à «les envoyer dans une bonne école», à leur permettre de s’adonner à des loisirs sains à l’air libre, et à vivre «dans un quartier paisible», sûr et pacifique, sans se soucier des pressions et des menaces miliciennes…  

La population libanaise a bel et bien droit à un tel mode de vie après avoir subi pendant plus de cinquante-cinq ans, de manière totalement inutile et stérile, les retombées des «guerres des autres sur le territoire libanais», comme l’a souligné fort à propos le président Joseph Aoun à la face d’une délégation officielle iranienne, en marge des funérailles de Hassan Nasrallah. C’est d’ailleurs ce mode de vie un tantinet occidentalisé que le directoire du Hezbollah a reproché aux Libanais (hormis ses partisans…) lorsque Hassan Nasrallah les avait «classifiés» en quatre catégories, stigmatisant spécifiquement ceux qui «ne pensent qu’à se promener les dimanches en famille»! Le député Mohammed Raad n’a-t-il pas lui aussi dénoncé sur un ton sarcastique, dans l’un de ses discours enflammés et belliqueux, ceux dont «le soucis est de se rendre dans les centres balnéaires, les lieux de loisirs et les restaurants»?  

Si l’attachement à un tel mode de vie se pose aujourd’hui avec acuité au Liban, c'est parce qu’il constitue l’antithèse de l’un des objectifs affichés par le Hezbollah. La tête de pont des Pasdaran en territoire libanais ne cache pas en effet ses velléités d’édifier une société guerrière fondée sur la perpétuation d’une prétendue «résistance» permanente et sans fin dont le seul but se réduit à défendre les ambitions géopolitiques de son parrain régional, en faisant fi de la souveraineté nationale et des intérêts les plus élémentaires de la population libanaise.

L’obstination actuelle du Hezb à conserver dans ce cadre son arsenal militaire, contre vents et marées, met en péril la République ainsi que cette aspiration des Libanais à mener une vie normale. Rien d’étonnant de ce fait que le président Joseph Aoun ait jugé utile d’évoquer dans un communiqué officiel de la présidence, à l’occasion de ce funeste 14 septembre, le souvenir du président Bachir Gemayel – une première pour un chef de l’État en exercice. «Le président martyr, a-t-il notamment souligné, incarnait la détermination à construire un Liban fort et uni (…). Aujourd’hui encore, les principes pour lesquels il a sacrifié sa vie demeurent des constantes nationales partagées par tous: un Liban libre, souverain et indépendant, où ses enfants vivent dans la dignité et la sécurité». En clair, à l’ombre d’un mode de vie antithèse absolue du projet khomeyniste porté par le Hezbollah.      

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