
C’est en Bulgarie, à l’aéroport de Sofia, qu’Igor Grechushkin a été arrêté le 5 septembre dernier, après avoir été interpellé à son arrivée en provenance de Paphos (Chypre), sur la base d'une notice rouge d'Interpol. C’est du moins ce qu’a rapporté l’AFP citant une source judiciaire bulgare sous couvert d’anonymat.
Citoyen russo-chypriote, âgé de 48 ans, Igor Grechushkin avait été identifié par l’ancien capitaine du navire Boris Prokoshev et désigné par les autorités libanaises, comme le propriétaire du navire qui transportait le nitrate d'ammonium à l’origine de la double explosion au port de Beyrouth, le 4 août 2020.
Après son arrestation, l'homme a comparu devant le tribunal de Sofia le 7 septembre et a été «placé en détention pour une durée maximale de 40 jours», comme précisé par la porte-parole du tribunal de la capitale bulgare.
Selon la législation bulgare, les autorités (libanaises, ndlr) qui demandent une extradition, disposent de 40 jours pour envoyer les documents nécessaires qui justifieraient le transfert de la personne recherchée.
Informé donc de l’arrestation, le parquet libanais serait en train de préparer, selon des informations relayées par les médias locaux, un dossier officiel de rapatriement. Ce dossier, transmis via le ministère de la Justice, doit fournir aux autorités bulgares les éléments juridiques attestant de l’importance de la remise du suspect pour le bon déroulement de l’enquête sur l’explosion, menée par le juge d’instruction, Tarek Bitar.
Selon les experts, plusieurs scénarios sont dès lors possibles. L’extradition vers le Liban, le maintien en détention en Bulgarie ou un renvoi vers la Russie, pays d’origine de M. Grechushkin. Les enquêteurs espèrent que son interrogatoire permettra de faire la lumière sur la provenance et la destination finale de la cargaison de nitrate d’ammonium mais aussi sur l’identité de son propriétaire.
D’Igor Grechushkin à Charalambos Manoli
Détenteur de la double nationalité russe et chypriote, Igor Grechushkin affrétait le navire pour des coups ponctuels. Contrairement à ce qui circule dans certains médias, il en serait l’armateur et non le véritable propriétaire. Selon une enquête menée en 2020, par un consortium de journalistes internationaux dans le cadre de l’Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP), le propriétaire du Rhosus serait l’homme d’affaires chypriote, Charalambos Manoli, qui aurait bâti un réseau complexe de sociétés-écrans, lui permettant de dissimuler son rôle de véritable propriétaire du navire. Cette structure opaque lui a d’ailleurs valu d’être cité dans les Panama Papers, aux côtés de grandes figures de la finance offshore et du blanchiment d’argent.
Ancien inspecteur maritime, Manoli aurait mis sur pied, d’après la même enquête, une flotte de compagnies de navigation aux méthodes controversées. Certaines d’entre elles auraient contribué à l’obtention des certificats de navigabilité du Rhosus, facilitant ainsi sa présence en mer malgré des défaillances techniques.
Toujours selon l’OCCRP, l’homme d’affaires aurait en outre bénéficié en 2011 d’un prêt accordé par la FBME Bank, filiale chypriote de la Federal Bank of Lebanon, dirigée par Ayoub-Farid Saab et Fadi Saab. Trois ans plus tard, cette banque était dans le collimateur du Trésor américain, accusée de blanchiment d’argent, de financement d’organisations terroristes, notamment le Hezbollah, et de la facilitation d’achat d’armes chimiques destinées au régime syrien.
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