
Bagdad et Beyrouth renforcent leurs liens. La réactivation de la commission mixte libano-irakienne a abouti à une série d’accords économiques et judiciaires, alors que l’Irak continue d’alimenter le Liban en fuel, indispensable au fonctionnement de ses centrales électriques. Mais derrière les promesses de coopération, l’équilibre des échanges reste fragile.
C’est à Bagdad, dix ans après sa dernière tenue, que la commission mixte libano-irakienne a fait son grand retour en septembre 2025. À l’issue de cette deuxième session, ministres et officiels ont annoncé la signature de sept accords couvrant l’économie, l’industrie, le transport, mais aussi la justice, avec notamment un texte sur le transfert de détenus. Un signal politique fort, qui s’inscrit dans une relation déjà structurée par un partenariat énergétique crucial: l’Irak fournit au Liban du fuel, indispensable pour éviter le black-out, tandis que Beyrouth tente, tant bien que mal, de compenser par l’exportation de biens et de services.
Une bouée énergétique pour le Liban
Depuis 2021, l’Irak est devenu un fournisseur vital de fuel lourd pour les centrales de Zahrani et Deir Ammar. L’accord initial, estimé à 700 millions de dollars, a été doublé pour atteindre 1,4 milliard, avec un volume annuel compris entre 1,5 et 2 millions de tonnes. En août 2024, Bagdad a même accepté d’augmenter les livraisons à 125.000 tonnes par mois.
Problème: le Liban, en pleine crise de devises, règle sa facture non pas en dollars mais en contreparties – services médicaux, produits agricoles et pharmaceutiques ainsi qu’expertise technique. Or, fin 2024, Beyrouth n’avait honoré qu’à peine 118 millions de dollars sur près de 2 milliards dus.
Des exportations encore modestes
L’Irak représente pourtant l’un des principaux débouchés arabes pour le Liban, principalement dans les secteurs agroalimentaire, pharmaceutique et des cosmétiques. Depuis 2016, le cumul atteint 1,38 milliard. Mais le déséquilibre reste flagrant: le Liban importe bien plus de fuel qu’il n’exporte de marchandises. Les chiffres officiels du ministère de l’Économie confirment d’ailleurs cette tendance.
En 2023, les exportations libanaises vers l’Irak ont atteint 153,7 millions de dollars, pour seulement 6,9 millions d’importations, soit un commerce total de 160,5 millions et une balance commerciale excédentaire de 146,8 millions.
En 2024, les exportations ont légèrement progressé à 157,5 millions, contre 9,9 millions d’importations, portant le commerce total à 167,4 millions, avec un excédent de 147,5 millions.
Sur les seuls six premiers mois (janvier à juin) de 2025, les exportations se sont élevées à 69,7 millions, pour 4,2 millions d’importations, soit un commerce total de 74 millions et une balance excédentaire de 65,5 millions.
La commission mixte relancée
Dans ce contexte, la tenue de la commission mixte à Bagdad visait à élargir la coopération. Sept accords et mémorandums ont été signés, dont un accord sur le transfert de détenus condamnés, un mémorandum dans le domaine industriel, une coopération entre chambres de commerce, un accord d’investissement, un protocole pour le transport de passagers et de marchandises ainsi que la reconnaissance mutuelle des certificats maritimes.
Pour Amer Bsat, ministre libanais de l’Économie, «la reprise de cette commission après des années d’interruption représente un pas en avant vers un partenariat concret servant les intérêts des deux pays et des deux peuples frères».
Reste que le succès de cette coopération dépendra moins des signatures que de leur application. Sans mécanismes clairs de suivi, le partenariat pourrait s’essouffler. La prochaine session, attendue à Beyrouth en 2026, sera décisive pour mesurer la réalité des engagements et tenter de rééquilibrer une relation encore marquée par la dépendance énergétique du Liban.
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