Entre l’État et le rocher…
©Ici Beyrouth

   

 

Même les rochers du Liban peuvent créer des crises existentielles. C’est le cas de la Grotte aux pigeons (Raouché), mise au centre des polémiques à l’occasion du premier anniversaire de l’assassinat de l’ancien secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah.

L’illumination du rocher à son effigie, avec, en arrière-plan, celle de sayyed Hachem Safieddine, à l’occasion du premier anniversaire de leur assassinat, a vite tourné au vinaigre. De simple tentative de commémoration, elle s’est transformée en provocation, en manifestation populaire et en mise en scène visant à imposer une certaine image du Liban en utilisant l’un de ses sites emblématiques, au cœur de la capitale.

Les responsables de la ville souhaitent éviter qu’un tel symbole appose une marque inadaptéesur Beyrouth, une ville déjà meurtrie par Hassan Nasrallah lui-même. C’est d’ailleurs lui qui qualifia de «jour glorieux» le jour de l’attaque contre la capitale. C’est également lui que la justice internationale a condamné dans le cadre de l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, en 2005. Et c’est lui qui porte, directement ou indirectement, la responsabilité de la plus grande explosion non nucléaire de l’histoire, qui a eu lieu au Port de Beyrouth, le 4 août 2020, en raison du stockage dans un hangar de quantités massives de nitrate destinées à être utilisées par l’ancien régime syrien pour ses crimes.

Un tel personnage mérite-t-il vraiment que son image soit projetée sur la Grotte aux pigeons? Que nenni. La logique s’y oppose, le patriotisme s’y oppose, et même la loi s’y oppose. Que dirait-on si l’on plaçait l’image de Bachir Gemayel sur la citadelle de Baalbeck, celle de Pierre Gemayel sur la citadelle de Tyr ou encore celle de Rafic Hariri dans la banlieue sud de Beyrouth?

C’est donc dans ce contexte que se situe la décision du Premier ministre d’interdire les célébrations dans les lieux publics sans autorisation préalable. Ce n’est rien d’autre qu’une manière de rendre à Beyrouth un peu de dignité et d’éviter que ses habitants, toujours blessés par l’attaque qu’ils ont subie, se sentent une nouvelle fois victimes d’arrogance et de mépris.

Par ailleurs, il est grand temps que le Hezbollah se soumette à la loi, sans détour ni tergiversation ni condescendance.

Si les Forces libanaises doivent obtenir une autorisation pour organiser la messe des martyrs place Fouad Chéhab, si le Courant patriotique libre doit demander un permis pour manifester devant la Banque du Liban et si le Courant du Futur doit solliciter un accord pour commémorer le 14 février au centre-ville de Beyrouth, pourquoi le Hezbollah, lui, en serait-il exempté, d’autant plus qu’il est le premier à bafouer la loi et à traiter la Constitution comme une smple option lorsqu’elle ne sert pas ses intérêts?

Il est nécessaire de traiter ce dossier avec fermeté, afin d’éviter que le Hezbollah ne continue de considérer l’État comme un simple instrument à sa disposition. La situation pourrait certes dégénérer en véritable crise, voire en affrontements sur le terrain, mais c’est l’occasion pour l’État d’imposer la loi sans ambiguïté aucune, à égalité entre tous les Libanais, sans privilège ni exception.

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