Quand la rébellion scolaire mène au Prix Nobel: portraits de trois lauréats
Les invités passent devant un buste du fondateur du prix Nobel, Alfred Nobel, avant la cérémonie de remise des prix Nobel à la salle de concert de Stockholm, le 10 décembre 2024. ©Jonathan NACKSTRAND / AFP

Tous les lauréats du prix Nobel ne suivent pas un parcours scolaire exemplaire. Albert Einstein, Frances Arnold (chimie 2018) ou encore David Card (économie 2021) ont connu une scolarité atypique, marquée par l’ennui, l’indiscipline ou un environnement peu académique. Pourtant, ces trajectoires singulières n’ont pas empêché ces esprits brillants de s’imposer dans leur domaine, illustrant la diversité des chemins menant à l’excellence scientifique.

Si certains lauréats du prix Nobel ont suivi un parcours scolaire classique, d'autres ont connu des trajectoires plus sinueuses: enfance rebelle, ennui profond en classe, incertitude sur leur orientation... L'AFP a parlé à deux d'entre eux.

Leur plus illustre prédécesseur, Albert Einstein, fut un étudiant médiocre: à l'École Polytechnique de Zurich, devenue ETH Zurich, il sèche les cours, préférant étudier seul la physique, et finit avant-dernier de sa classe en 1900.

Diplômé, il est le seul étudiant à ne pas se voir proposer un poste d'assistant de recherche, comme le relate cette université suisse sur son site internet. Cela ne l'empêche pas de décrocher le Prix Nobel de physique en 1921.

Frances Arnold, lauréate du Prix Nobel de chimie 2018, a, elle aussi séché les cours et connu une scolarité turbulente dans les années 1960-1970 aux États-Unis.

«Je n'étais pas disciplinée. Je m'ennuyais facilement et j'étais bien au-delà du niveau des autres élèves de la classe. Pour m'occuper, les enseignants me donnaient de petits projets, comme décorer la salle de classe», se souvient-elle auprès de l'AFP.

Dès l'âge de 10 ans, elle est autorisée à suivre des cours de lycée, comme la géométrie, qu'elle apprécie.

Mais son adolescence est marquée par un rejet du système scolaire et elle finit par être expulsée.

«Je crois que ce qu'on nous enseignait ne m'intéressait pas. Et si un sujet m'intéressait, je l'apprenais seule dans un manuel. J'ai quand même réussi à passer chaque niveau, malgré de nombreuses absences», raconte-t-elle.

À 69 ans, elle reconnaît que son comportement ne constitue pas un modèle à suivre mais elle plaide pour une éducation plus souple.

«Les écoles n'ont pas les moyens d'adapter l'enseignement aux enfants à qui cela profiterait vraiment», déplore-t-elle.

Traire les vaches

David Card, lauréat du Prix Nobel d'économie 2021, a lui aussi connu une scolarité atypique dans le monde académique.

«Il n'y a presque personne dans un programme de doctorat en économie qui ait un parcours comme le mien, qui a étudié dans une école rurale», a-t-il observé.

Né dans une ferme au Canada dans les années 1950, il étudie dans une petite école où une trentaine d'élèves de niveaux différents partagent une même salle.

«L'institutrice passait un peu de temps dans chaque rangée, correspondant à un niveau. Moi, je suivais souvent ce que faisaient les classes au-dessus de la mienne. Ça permettait de progresser très vite et ça ne posait problème à personne».

Il admet toutefois que ce système n'était pas adapté aux élèves ayant besoin d'un accompagnement plus individualisé.

Frances Arnold et David Card ont commencé à travailler très jeunes. Mme Arnold a enchaîné les petits boulots dès l'adolescence, serveuse, réceptionniste, chauffeuse de taxi. Des expériences fondatrices, selon elle.

«On apprécie davantage ce que l'université peut offrir, notamment pour obtenir un métier que l'on souhaite garder toute sa vie. Le travail nous apprend aussi à organiser notre temps», dit-elle.

David Card, de son côté, conjugue école et vie à la ferme dès son plus jeune âge.

«Je ne pense pas qu'il y ait eu beaucoup de devoirs à l'époque. J'avais donc beaucoup de temps libre. J'aidais mon père, j'ai appris à conduire un tracteur à 11 ans. Chaque matin, je me levais à cinq heures pour l'aider à traire les vaches», raconte-t-il à l'AFP.

Avant de trouver leur voie, tous deux ont étudié autre chose. Frances Arnold a suivi des enseignements de génie mécanique et d'aéronautique avant de se tourner vers la chimie.

«Je n'étais pas sûre de ce que je voulais faire de ma vie. J'ai choisi le génie mécanique parce que c'était la filière d'ingénierie avec le moins d'exigences», confie-t-elle.

David Card a quant à lui commencé par la physique, avant de bifurquer vers l'économie.

Malgré ces parcours peu conventionnels, les deux ont finalement trouvé leur voie. Et décroché le prix Nobel.

Par Agnes Johanna WÄSTFELT / AFP

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