
Emmanuel Macron a jusqu’au week-end pour trouver un Premier ministre et sortir d’une impasse institutionnelle, unique dans l’histoire de la Ve République. Confronté à une Assemblée ingérable, à un pays fragmenté et à une opinion lassée, le président français se trouve face à l’un de ces choix impossibles qui font basculer une fin de règne.
Car dissoudre l’Assemblée nationale, ce que demande le Rassemblement national de Jordan Bardella et Marine Le Pen, dans l’espoir d’augmenter le nombre de ses députés et arriver à une majorité relative serait un pari à très haut risque. D’autant plus que rien, dans la réalité, ne garantit qu’un nouveau scrutin législatif produirait une majorité plus claire que l’actuelle. Au contraire, tout indique qu’il reconduirait à peu près la même configuration: un Parlement éclaté entre un RN renforcé, une gauche radicalisée sous la houlette de la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon et un centre essoufflé. Autrement dit, le retour à la case départ.
Et dans cette hypothèse, le président se retrouverait prisonnier d’un hémicycle où plus aucune loi ne pourrait passer. Un gouvernement, quel qu’il soit, serait condamné à l’impuissance, incapable de voter un budget ou de mener une réforme. L’Élysée serait nu, sans relais ni bouclier. En première ligne. Alors, immanquablement, la question de la démission du chef de l’État finirait par se poser frontalement.
L’autre scénario, moins spectaculaire mais plus habile, consisterait à jouer la montre. Emmanuel Macron pourrait nommer un Premier ministre issu du centre droit, capable de parler à la fois aux Républicains (LR) et à une partie des socialistes. Un profil «acceptable par tous», suffisant pour éviter une motion de censure. L’objectif: permettre au gouvernement de faire voter un budget, de stabiliser la situation politique et de tenir jusqu’en mars, date des élections municipales.
Mais pour neutraliser toute tentation de censure du côté socialiste, le nouveau gouvernement devrait offrir des gages. L’un d’entre eux pourrait être la suspension de la réforme des retraites, symbole honni d’un pouvoir jugé sourd aux attentes sociales. Cette «carotte» politique, présentée comme un geste d’apaisement, viserait à sécuriser un minimum de tolérance parlementaire, le temps de franchir les écueils budgétaires et d’éviter une crise institutionnelle ouverte.
Dans le même esprit, un troisième scénario émerge en coulisses: celui d’un gouvernement «hybride», mêlant quelques figures fortes à des technocrates sans étiquette, des visages nouveaux, presque anonymes. Une sorte de cabinet de gestion, comme au bon vieux temps où le Liban cherchait des «gouvernements technocrates» pour sortir de l’impasse politique. Ce qui, soit dit en passant, n’a jamais fonctionné.
Ce serait une solution par défaut, sans éclat, mais peut-être la seule encore praticable dans un pays épuisé par ses fractures. Ce qui est certain, c’est que le prochain gouvernement, s’il voit le jour, ne rassemblera pas une galerie de têtes connues, mais plutôt une équipe discrète, fonctionnelle, sans relief politique, chargée de tenir la barre dans la tempête. Et à sa tête, un homme ou une femme sans prétentions élyséennes pour 2027. Pas facile à trouver tellement les égos sont boursouflés.
Ce sursis aurait au moins un mérite: repousser la crise institutionnelle et offrir une respiration avant la grande bascule qui rebattra toutes les cartes, la présidentielle de 2027.
Mais ce choix, lui aussi, a un prix. Il consacrerait l’effacement du macronisme originel, celui du «ni droite ni gauche», au profit d’un bricolage de circonstance.
Entre l’impasse et le renoncement, Emmanuel Macron n’a plus de bonnes options. Il n’a plus que du temps à gagner… ou à perdre.
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