Gaz américain: Washington s’installe dans le paysage énergétique européen
L’Europe tourne la page du gaz russe: place au GNL américain, trois fois moins cher. ©Al Markazia

Sous l’effet combiné de la pression politique de Washington et de la guerre en Ukraine, l’Europe tourne définitivement la page du gaz russe. Désormais, les grandes compagnies européennes se tournent vers des contrats de long terme avec les producteurs américains de GNL, scellant une alliance énergétique à la fois stratégique et économique.

Depuis plus de deux ans, l’Europe cherche à se libérer de sa dépendance au gaz russe, un chantier colossal accéléré par la guerre en Ukraine et les tensions géopolitiques. Selon RFI, les compagnies européennes, longtemps réticentes à s’engager sur le long terme, ont franchi le pas: elles misent sur le gaz naturel liquéfié (GNL) américain pour sécuriser leurs approvisionnements. Une victoire diplomatique et commerciale pour Washington, qui voit enfin ses efforts récompensés.

Des contrats historiques entre les deux rives de l’Atlantique

En effet, après des mois de tractations, plusieurs entreprises européennes ont signé des accords inédits avec les géants américains du gaz. En juillet 2025, l’Italien ENI et l’Allemand Sefe ont conclu des contrats de vingt ans pour l’achat de GNL américain, indique Reuters. En septembre, ExxonMobil a confirmé au Financial Times être en discussions pour un accord similaire avec l’Union européenne.

Jusqu’ici, les Européens privilégiaient des achats ponctuels sur le marché spot, afin de préserver leur flexibilité dans le cadre de la transition énergétique. Mais la raréfaction du gaz russe et la volatilité des prix mondiaux ont poussé les compagnies à revoir leur stratégie.

Des prix imbattables et une offre colossale

Le principal atout du gaz américain reste son prix compétitif. Les tarifs de gros du GNL américain sont actuellement trois fois inférieurs à ceux pratiqués en Europe ou en Asie, selon les données de septembre de Bloomberg Energy.

Même si l’écart pourrait se réduire à moyen terme, les analystes estiment que le gaz américain restera structurellement moins cher, notamment en raison de la stabilité de sa production et des faibles coûts d’extraction au Texas et en Louisiane.

Et les volumes suivent: d’après l’Agence internationale de l’énergie (AIE), les États-Unis fourniront à eux seuls 50% de l’augmentation mondiale de l’offre de GNL d’ici à 2030.

Il est à noter qu’entre 2004 et 2024, la production gazière américaine a doublé, propulsant le pays au rang de premier exportateur mondial de GNL dès 2023, selon le Department of Energy américain. Fin 2024, la capacité totale de liquéfaction américaine atteignait près de 120 milliards de m³ par an, soit environ 20% de la production mondiale.

Une stratégie politique avant tout

Depuis son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump pousse les Européens à remplacer définitivement le gaz russe par du GNL américain. L’objectif est double: consolider l’influence économique américaine sur le Vieux Continent et priver Moscou d’une source vitale de revenus énergétiques.

De son côté, Bruxelles a annoncé dans un rapport daté de septembre 2025, que les derniers contrats gaziers russes prendront fin d’ici à la fin 2027. Le découplage énergétique entre l’Europe et la Russie semble désormais irréversible.

Cette réorientation vers le gaz américain soulève cependant une contradiction: comment concilier sécurité énergétique et transition écologique? Alors que l’Union européenne s’est engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050, la multiplication des contrats gaziers à long terme risque de prolonger la dépendance aux énergies fossiles.

En scellant ces contrats avec Washington, l’Europe choisit la stabilité plutôt que la vulnérabilité, au prix d’une nouvelle dépendance stratégique.

Les États-Unis consolident ainsi leur position de superpuissance énergétique mondiale, exportant à la fois leur gaz et leur influence.

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