Sting défend l’art comme rempart contre les divisions politiques
Sting se produit devant des milliers de personnes sur la scène du Lucca Summer Festival, sur la Piazza Napoleone à Lucca. ©stedalle / Shutterstock.com

En tournée à 74 ans, Sting présente à Paris sa comédie musicale The Last Ship, inspirée de sa ville natale et de son enfance ouvrière. Le musicien britannique y voit un acte de résistance culturelle et une ode à l’empathie à travers l’art.

La légende britannique du rock Sting, ancienne figure de proue de The Police désormais à la barre de sa comédie musicale The Last Ship, revendique la dimension politique de l’art face aux dirigeants «dont l’idée est de nous séparer tous».
L’artiste aux 17 Grammy Awards et plus de 100 millions d’albums vendus, en tournée à 74 ans avec sa formation trio, s’est confié à l’AFP vendredi lors de la présentation à Paris de ce spectacle en partie biographique, qu’il a écrit, composé et dans lequel il joue.
Au départ album-concept sorti en 2013, la comédie musicale, qui tourne depuis plusieurs années dans le monde, sera à la Seine Musicale à partir du 18 février.
Par cette plongée au cœur de sa ville natale de Wallsend, cité navale ouvrière du nord-est de l’Angleterre, Gordon Sumner — son vrai nom — rend hommage à la communauté qui l’a forgé.
L’artiste, qui navigue dans le rock depuis les années 1980 avec The Police (Roxanne) puis en solo (Englishman in New York), voit son spectacle comme «une déclaration politique».

Pourquoi revenez-vous à vos racines dans ce spectacle?

Toute ma vie a été consacrée à fuir ce qui m’était proposé. À un moment, j’ai réalisé que ce qu’on m’avait donné enfant était très précieux : une communauté, une famille, une ville avec un but. Ma manière de rembourser ma dette à ma communauté était de raconter l’histoire d’une industrie (navale) fermée par le gouvernement, tout en y intégrant une histoire d’amour. Cela aborde également des problèmes universels : de nombreuses communautés perdent leur travail à cause de la technologie, de l’IA (intelligence artificielle, NDLR). Nous devons résister à ce qu’il se passe. Le spectacle est donc une sorte de déclaration politique.

Pouvons-nous résister par la musique, par l’art?

Je pense que l’art est une machine à empathie. Nous pouvons nous mettre à la place de quelqu’un d’autre et percevoir son point de vue. C’est très précieux, car il y a des politiciens dans le monde en ce moment dont l’idée est de nous séparer tous, de dire vous appartenez à ce club, ou vous n’avez pas le droit d’entrer ici. Cette séparation n’est pas utile pour la société. Ce n’est certainement pas bon pour la paix. Donc je pense que l’art a sa place pour lutter contre cette tendance. C’est pourquoi ces politiciens veulent se débarrasser de l’art, de l’éducation, de la science et de la diplomatie. Toutes ces choses auxquelles j’attache de l’importance.

Pourquoi chérissez-vous autant la valeur travail?

J’utilise mes mains tous les jours pour jouer de la basse. Je pense que les êtres humains ont besoin de construire des choses, de ressentir la dignité, l’estime de soi. Je suis chanceux, je m’amuse, mais c’est du travail, un travail sans relâche. Mais je le ferais pour rien, pour zéro argent. Comme un poisson doit nager, je dois chanter.

Comment observez-vous les mutations qui traversent l’industrie musicale?

Il y a tellement de genres et d’écosystèmes de streaming différents. C’est assez curieux. J’ai de la chance d’être arrivé à une époque où il y avait une monoculture. Tout le monde connaît The Police. Je capitalise encore là-dessus. Maintenant, on peut être célèbre dans une niche et nulle part ailleurs. Ce n’est ni mieux ni pire, c’est juste différent.

Craignez-vous l’intelligence artificielle, qui bouscule la création musicale?

Je n’ai pas peur, pas encore. Elle produit un fac-similé intéressant, mais ne ressent pas d’émotion. Je pense qu’il y a une façon de l’utiliser pour la recherche médicale. Mais pour vraiment produire l’art que nous voudrions voir ou écouter, je n’en suis pas sûr. Je suis plus préoccupé politiquement par ce que l’IA peut faire, entre de mauvaises mains. Des dirigeants qui l’utiliseront pour renforcer la surveillance de la société. C’est un outil très utile pour garder les gens sous contrôle. Je crains plus ça qu’une invasion artistique.

Par Fanny LATTACH / AFP

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